Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2257 : "Chrétiens et musulmans, nous dépendons les uns des autres." (Pape François)

Cette année encore, ce samedi 2 mars, le Service chrétien pour le Dialogue inter-religieux en Vendée, avec Christiane Noël, l'abbé Michel Fournier et leur équipe, nous a offert une magnifique journée de réflexion et de partage sur le thème : "les enjeux du dialogue inter-religieux". Nous avons pu profiter de l'éclairage de Soeur Colette, théologienne, ainsi que de celui d'Abdelssalem, imam, tous deux engagés sur Marseille.  Voici quelques échos de cet échange.

Pour les chrétiens, l'islam demeure une question !  A-t-il une place dans le dessein de Dieu ?  Venant après l'Evangile, que peut-il apporter de plus ? En fait, il nous faut reconnaître que les musulmans aussi sont enfants du Père ; Jésus n'a-t-il pas dit : "J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie" ? (Jean 10/16) Et, ainsi que le pape François vient de le rappeler à Abu Dhabi, "le Christ ne regarde pas les hommes avec un regard de préférence pour certains, mais de bienveillance pour tous." D'ailleurs, Jésus a affirmé être venu "pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jean 11/52), quelle que soit leur vie religieuse ou non.

Certains avancent que, l'Eglise disposant dans le Christ de la vérité, toute autre religion ne peut qu'être dans l'erreur... Mais attention à ne pas prendre l'Eglise pour le Christ ! La vérité, c'est le Christ, c'est une personne ; l'Eglise ne possède pas la vérité, nul ne possède le Christ. Par contre, l'Eglise est en marche vers la vérité, qui est Dieu. St Jérôme disait que "tout homme naît avec l'Esprit-Saint." Les non-croyants, les musulmans, sont investis eux aussi, par le fait même, d'une certaine manière, de façon mystérieuse, du don de l'Esprit. D'ailleurs, l'Esprit-Saint se moque de nos limites, et son action s'exerce bien au-delà de nos cadres institutionnels !  L'Eglise, les chrétiens aussi ont à découvrir la vérité !

Pourquoi se fatiguer à vouloir dialoguer avec les musulmans ? Ne serait-il pas plus judicieux de tout faire pour les convertir ?  Mais, là encore, regardons quelle fut l'attitude du Christ. De nombreuses scènes de l'Evangile nous le montrent en attitude de dialogue, par exemple avec la Samaritaine ; il prend le temps d'écouter et d'échanger... Dialoguer c'est se comporter à la manière de Jésus. L'enjeu, ce n'est pas de mettre la main sur l'autre, mais de prendre le temps d'abord de reconnaître en lui la présence mystérieuse de Dieu, et de se réjouir du travail que l'Esprit-Saint fait en lui. Sortir de notre supériorité, de nos jugements péremptoires, de notre suffisance ; entrer dans l'estime de la foi de l'autre. L'objectif n'est pas de ramener l'autre à nous ni de le récupérer, mais de vivre en communion avec lui. C'est cela l'enjeu du dialogue : la fraternité ! Se rappeler aussi de l'attitude de St Paul disant aux Corinthiens : "Frères, le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Evangile." (1 Cor. 1/17)

Si l'on se lance dans le dialogue inter-religieux, l'on a peur d'être déstabilisés dans notre foi. Or, le dialogue au contraire nous oblige à approfondir notre façon de croire. Il nous sort de notre train-train de croyant, nous permet de nous poser des questions nouvelles. Avec comme conséquences de nous dégrossir, de nous alléger de nos préjugés, ayant écouté l'autre fraternellement. D'ailleurs, c'est en allant vers l'autre que l'on peut atteindre la vérité davantage en plénitude. Parce que, pas plus les chrétiens que les musulmans ne possèdent entièrement Dieu. Aucune religion, pas même le christianisme, ne détient Dieu à elle seule. Donc, une autre religion peut nourrir, alimenter, compléter notre approche de Dieu. Le P. Christian de Chergé expliquait cela très bien : "A travers les musulmans, Dieu peut nous transmettre un message de vie qui peut nous aider à mieux vivre notre foi chrétienne."

Conclusion : ne restons pas emmurés dans nos certitudes ; cultivons le goût de l'autre qui, même d'une autre religion, peut nous faire découvrir un peu de ce que Dieu lui a offert.  Aller vers l'autre, c'est cela qui peut nous revitaliser. Il nous faut vivre cela avec confiance, car le croyant d'une autre religion est d'abord mon frère, et nous formons avec lui, avec eux, une unique famille. Face à un monde de violence, qui tend toujours vers les oppositions faciles et les rejets de l'autre différent, soyons des serviteurs actifs de l'unité et de la fraternité ; au service de l'unité du genre humain avec Dieu. Avec ces armes magnifiques que sont la prière et la fraternité !