Il y a près de deux ans, Annie Musseau, originaire de Vendée, dont j'avais oeuvré avec ses frères au sein de la JOC, est passée me voir pour m'interviewer au nom de la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones. L'objectif de cette organisation était de recueillir l'expérience de prêtres d'un certain âge, pouvant témoigner de leur cheminement, depuis Vatican II et même avant, jusqu'à leur situation au sein de l'Eglise aujourd'hui, à la suite du Christ, au service de l'Evangile et de l'humanité.
Je ne savais pas ce qu'il en était de cette initiative, dont je n'avais plus, depuis, entendu parler. Par curiosité, je suis allé ce soir sur le site de cette Conférence, gérée par des laïcs, en "parallèle", ou complément (?) de la Conférence des évêques de France, et j'ai constaté que mon témoignage avait été pris en compte, en même temps d'ailleurs que celui de plusieurs autres prêtres Vendéens dans mes âges, comme Jean Thizon, Robert Favrou, Jean Augereau, Paul Pouplin...
Si vous en avez la curiosité, vous pouvez aller voir vous-même sur ce site : http://www.baptises.fr/memoire-de-pretre
Voici ce texte :
De la CGT au Mali, en passant par Vatican II
mercredi 28 septembre 2016
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 1993 : Mémoires de prêtres
Ma jeunesse
A l'école, il y avait un instituteur remarquable ; je tiens ma vocation de mes parents, mais
aussi de lui ; et comme mes meilleurs copains d’école partaient au petit
séminaire, où je les sentais heureux, j 'ai décidé de les suivre, curieux de
voir ce qui se passait là-bas.
A Chavagnes-en-Paillers, au petit séminaire, j'ai été très marqué par
l'amitié avec les camarades ; j'ai
eu une jeunesse formidable ; je me souviens des méditations
« parlées », le matin à la chapelle, après la messe, avec l’un de nos
professeurs, l’abbé Loïc de Boisdavid,
dans lesquelles il reprenait ce qu'on vivait ; j'ai senti alors que la
prière, c'était parler à Quelqu'un.
Au séminaire des Herbiers (à partir de la classe de 3è
jusqu'à la terminale), il y avait une plus grande ouverture, pas de murs ;
la décision finale de ma vocation vient de l’expérience des
« Camps-Mission » : nous partions passer trois semaines, l’été,
dans une commune de Charente ou autre ;
on vivait une vie de jeunes, on chantait, on visitait les gens, on les
contactait, ils venaient nous retrouver ; je me suis dit : « si
c'est cela être prêtre, être proche des gens, alors, je fais ce
choix-là ! »
Puis, au grand séminaire, à Luçon, je découvre l'Ecriture
sainte, la Parole de Dieu ; le professeur était très intéressant. J'aimais aussi la philo : apprendre à
penser me réjouissait. Toutes les disciplines enseignées m'intéressaient, comme
par exemple l'histoire de l'Eglise, ce qui m’a beaucoup servi ensuite.
A Luçon, pendant les années du Concile, nous avons senti
passer le grand souffle de Vatican II. Dès qu'un document sortait, on
l'achetait, un par un. Nous nous sommes vraiment régalés avec les beaux textes
du Concile (Olivier Gaignet sort alors de sa bibliothèque des textes du Concile
annotés de sa main durant son grand séminaire).
Avec deux copains, on est allés en Israël, en 1966, en
voiture, avec retour en auto-stop ; ce fut une grande aventure que de
traverser tous ces pays. Lors de notre passage en Turquie, nous avons eu
l’audace de passer au Phanar (le Vatican orthodoxe) et d’y solliciter une
entrevue avec le Patriarche Athénagoras, qui nous a reçus sur le champ !
Nous avons parlé, et je me souviens, entre autres, qu’il nous a dit, surpris de
certaines positions de l’Eglise catholique par rapport à la
contraception : « La
responsabilité de l’Eglise s’arrête à la porte de la chambre des
gens ! » Cette parole m’a
marqué pour la vie ! Au retour, en
passant par Rome, j'ai vu le pape Paul VI - le seul pape que j'ai vu - serrer
un enfant dans ses bras et la façon dont il l'a
fait m'a touché. Paul VI est resté le pape de ma jeunesse. Et je ne
parle pas de nos rencontres avec des Juifs, des Palestiniens, des Grecs, etc…,
au hasard des circonstances de ce voyage !
En 1970, un autre voyage, sac à dos, jusqu’à Katmandou, en passant par
l’Iran, l’Afghanistan, à travers une belle partie de l’Asie, en une époque où
cela était encore possible,…, a été très instructif également. Ces multiples
expériences vécues durant ma jeunesse, avec le recul des années, je prends
mieux conscience à présent combien c’est tout cela qui m’a construit !
Mon engagement
Pour moi, la proximité avec les
gens a toujours été prioritaire : les écouter, les respecter, les aimer,
m’a sans cesse paru essentiel. Par contre, j’ai toujours ressenti une certaine
réticence par rapport aux grands projets pastoraux, genre « usine à gaz » !
Etant curé aux Sables d’Olonne par exemple, avec le conseil de paroisse, après
avoir bien réfléchi, plutôt que de pondre un projet en vingt ou trente grandes
et belles propositions, notre projet pastoral s’est résumé en deux mots : « Aller vers ! » Et ce programme, simple et clair, a nourri et
motivé les paroissiens durant des années !
A mon retour en France, j'ai été nommé secrétaire national
de la commission des évêques pour les Missions à l'extérieur, comme cela
s’appelait à l’époque. De 1988 à 1994, j’ai été ainsi chargé du suivi de la
coopération missionnaire sur l’ensemble des diocèses de France, ainsi que de la
formation et de l’accompagnement des prêtres Fidei donum envoyés par leur
diocèse au service des Eglises d’Afrique, Asie, Océanie et des Antilles. Je
travaillais très en lien avec les Instituts missionnaires. Cela m’a donné la
chance d’aller à la rencontre de nombreuses Eglises à travers le monde, ce qui
a été pour moi une occasion extraordinaire de sentir battre le cœur de l’Eglise
universelle !
A 70 ans, j'ai demandé un poste plus léger, et je me
retrouve donc, près de Cholet, à Mortagne-sur-Sèvre, petite paroisse de 10.000
habitants dont je suis le seul prêtre engagé en pastorale.
Autre expérience forte : la rencontre avec les Juifs
habitant sur la région des Sables d’Olonne. Sur leur demande, nous leur avons
offert d’utiliser, pour le Shabbat, chaque fin de semaine une salle du
presbytère, qui devenait alors leur synagogue. Grâce à cette proximité, les
liens avec les Juifs, dont l’actuel grand Rabbin de France, Haïm Korsia, devenu
un ami, ont été extraordinaires !
Pour en revenir aux Cafés-Théo, nous y avons accueilli
régulièrement l’ancienne maire communiste des Sables d’Olonne, le
député-maire ; les Bouddhistes aussi les fréquentaient, les Protestants,
quelques Musulmans, les Juifs bien sûr, sans parler d’un certain nombre de
personnes agnostiques, non-croyantes ou en recherche, assidues également. Ce
qui nous a permis de vivre dans un climat exceptionnel de fraternité.
A Fontenay-le-Comte ensuite, on a lancé aussi les Café-Théo,
et cela dure encore, avec toujours la même méthode : ce sont les
participants qui ont la parole, sans intervention initiale qui serait faite par
un « spécialiste ». Les gens souhaitant participer sont informés
auparavant par un tract annonçant le thème, et trois questions le plus souvent
du type de celles-ci :
1- Comment vivez-vous le problème abordé ?
2- Dans quoi enracinez-vous vos convictions, votre action,
par rapport au sujet abordé ?
3- Que peut-on changer, autour de nous, en nous, avec qui et
comment ?
Les Cafés-Théo n’ont pas pour but de convertir les
gens ; tout le monde s’y retrouve dans une attitude de recherche, à
égalité, car nous avons tous à nous
convertir à la fraternité, à valoriser ce que font les autres et à nous réjouir
du bien que font les gens car tout homme est à l'image de Dieu puisque, comme
le dit saint Jérôme : « Tout homme naît avec l'Esprit-Saint. »
Qu'est-ce qu'être prêtre ?
Le prêtre est au service de l'homme et au service de
Dieu, dans un même mouvement.
Il est là pour aider les gens à se retrouver, à s’écouter, à
se comprendre, à vivre en communion les uns avec les autres, à participer à ce
qui est positif en société ; il doit leur donner la parole et les aider à
découvrir le but de leur vie.
Il a la passion de Dieu, il doit éclairer l'existence des
hommes à la lumière de l'Evangile. Parmi
les moyens éventuels pour réaliser une telle mission, certains prêtres chantent
et jouent de la guitare, d’autres font du sport avec les jeunes ; quant à
moi, avec des paroissiens de Fontenay-le-Comte, j’ai démarré un blog :
« L’Arche de Noé ». Pendant
des années, j’ai écrit un billet chaque jour, sur toute sorte de sujets et, à
ma grande surprise, des gens se sont connectés pour suivre ce que je notais, au
point que le blog arrive aujourd’hui à près de 500.000 connexions ! Tous ces billets ont été publiés ensuite, en
5 gros ouvrages, sous le titre : « Ma paroisse.com ». En fait,
quel que soit le nombre de personnes qui suivent mon blog, je me suis toujours
dit que, même si une seule personne était touchée par ce blog, cela suffirait à
le justifier ! Ce blog est
d’ailleurs suivi dans plusieurs pays du monde, en Union Européenne, à Malte, au
Brésil, en Afrique, et même en Chine ou ailleurs ; c'est surprenant
l'impact que cela peut avoir un blog !
L'Eglise doit se servir de cet outil qu'est Internet ; c'est une
façon pour elle d’aller rencontrer les gens chez eux ! Ces billets
essayent de commenter des événements locaux ou plus larges à la lumière de
l'Evangile, afin d’aider chacun à réfléchir. Des non-pratiquants les
lisent ; il y a même eu des francs-maçons ! D’autre part, d’après certains lecteurs, cela
peut être aussi une aide à la prière. En tout cas, d’après les réactions, ce
type d’initiative peut contribuer à donner une image de l'Eglise non refermée
sur elle-même ou sur ses petits problèmes internes.
Nombre d’autres baptisés, et pas que des prêtres, ont ainsi
des initiatives merveilleuses également, et je m’en réjouis. Cependant, le pape Benoît XVI s’est demandé
pourquoi on avait raté la réception du Concile Vatican II. Cela m’a un peu
surpris ! Quand je vois tous ces
gens qui ont été nourris et formés par ce beau Concile… Il faudrait être
aveugle pour ne pas en déceler les beaux fruits, même s’ils ne sont pas aussi
innombrables que Benoit XVI pouvait le rêver…
Il nous faut retrouver le cap de l'Evangile, même à
travers nos pauvretés d'Eglise ! Notre sacerdoce doit être enraciné
non sur le fait que l’évêque pense comme nous, mais sur le Christ Bon Pasteur,
dans une vie spirituelle fondée sur une rencontre avec Dieu en
profondeur ; toute sainteté doit aller au-delà du mal, et cela nous invite
à nous ouvrir à une nouvelle vision du monde.
Etre prêtre, c’est porter dans la prière la vie des gens,
être au service de l'Alliance entre Dieu et les hommes, permettre à la
communauté chrétienne de s'ouvrir aux diversités, être signe d'espérance, voir
plus large que le petit nombre des croyants.
On dit que tout se dégrade parce que les gens ne vont plus à
la messe ; mais moi, je vois plein
de gens dans les rues qui pratiquent la fraternité ! Ce sont des gens qui ne font peut-être pas de
grands discours, mais ils veulent vivre
de leur mieux ; et ils peuvent être serviteurs du Royaume même si on ne
les voit pas à l’église. Ainsi, il faut
sans cesse remettre les chose dans le bon ordre, éclairer les propos, et aussi
permettre à la communauté chrétienne de prendre en mains son avenir. Par
exemple, comme je suis seul prêtre à Mortagne, nombre de laïcs sont acteurs en
ce qui concerne les sépultures, certains ont la bonne idée de demander que leur
mariage soit célébré par un diacre ; beaucoup comprennent qu'il ne faut
pas tout faire reposer sur le curé seulement ! Depuis le Concile, l’on a
mieux compris que le peuple de Dieu est acteur du Salut. Au cœur de ce peuple,
les évêques, mais aussi les prêtres, ne sont pas au-dessus, mais avec les
laïcs, au coude à coude avec eux, tous en égalité devant Dieu, en
responsabilité comme en dignité, serviteurs du Salut chacun dans sa mission
spécifique. Tandis que la liturgie doit être une belle rencontre entre croyants
et avec Dieu. C’est ce qui était souhaité par le Concile, et voilà pourquoi,
avec tant d’autres, nous nous y sommes si bien retrouvés. A l’époque, déjà,
j’ai jubilé, car le Concile prenait en haute estime les Musulmans, comme les
Juifs, prônant la liberté religieuse, et ouvrant enfin l’Eglise à la totalité
de l’Evangile.
Aujourd’hui, cela est toujours aussi vrai, aussi
urgent ; et ce ne sont pas quelques cols romains qui vont nous faire
perdre espoir en l’avenir de l’Evangile sur notre planète !
Les changements dans la société
En fait, personnellement, ce qui m'inquiète, ce n'est pas
l'avenir de l'Eglise, mais bien plutôt, l'avenir du monde, de
l'humanité ! Ce monde nouveau, il
est de notre devoir de l'aider à émerger !
Depuis 47 ans que je suis prêtre en tout cas, que ce soit en
Vendée, au Mali, à Paris ou ailleurs, j’ai eu chaque jour le bonheur de
constater que l’Esprit-Saint était à l’œuvre, et que, durant tout ce temps,
bien des personnes ont grandi, bien des choses ont avancé. Impossible donc de voir l’avenir en
noir !
La phrase de Jésus en Jean 10/10 m’a toujours beaucoup
marqué : « Moi, je suis venu pour que les humains aient la vie et
qu’ils l'aient en abondance ! »
Jamais Jésus n’abandonnera
son peuple ! Attention
cependant ! Il ne s’agit pas
d’avoir une vision idyllique ou naïve de l’avenir de l’Eglise ou du
monde ; mais je pense qu’il est pire encore de se laisser aller à la
crainte ou au ressentiment ! La
déprime, c’est le fruit de la peur ; mais la peur de quoi ? de qui ?
N’avons-nous pas reçu l’Esprit ?
La tristesse est fille de Satan !
Soyons réalistes et paisibles ! Il a fallu des siècles pour que les
peuples comprennent qu’un Sauveur allait venir. Or, aujourd’hui, nous risquons
de ressembler aux « impatients de l’Apocalypse » ; respectons le
temps de Dieu, qui n’est pas le nôtre.
Dieu est en marche partout sur les routes des hommes ; on pense qu’il n’est pas là parce qu’on ne le
voit pas, mais nous avons à épouser son rythme.
En effet, nous dit Jésus, « le règne de Dieu est au milieu de
vous . » (Luc 17/21) Ne le
voyez-vous pas ?
Publié par
Olivier Gaignet
à
21:23
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7 commentaires:
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