Plusieurs ayant souhaité avoir le texte de l'homélie que j'ai donnée à Evrunes et Mortagne le week-end dernier, je me permets de la mettre à la disposition de tous.
Homélie du 3ème Dimanche de l’Avent ( 12 - 13 décembre 2015)
Traditionnellement, le 3ème
dimanche de l’Avent est présenté, dans le temps de l’attente un peu austère de
Noël, comme le dimanche de la joie. Mais, me direz-vous, avec toutes les
difficultés que nous vivons, a-t-on encore le droit de se réjouir ? Alors là, quelque soient nos sentiments,
c’est la parole du Christ qui nous répond. Laissons résonner en nous ces mots
du prophète Sophonie dans la 1° lecture : « Ne crains pas, ne te
laisse pas défaillir ; le Seigneur est en toi, le héros qui apporte le
salut. »
Et Saint Paul de confirmer ainsi cet
appel de à la joie profonde : « Le Seigneur est proche, ne soyez
inquiets de rien, soyez toujours dans la joie. » Avec de tels
conseils, l’on ne peut pas sortir de cette église avec « une tête de
piment au vinaigre » pour reprendre une formule chère au pape François ! C’est donc le thème qui a été retenu par
l’équipe liturgique pour cette Eucharistie : « Accueillons dans la
joie et l’espérance la miséricorde du
Christ. »
Un peu usé, peut-être ce terme de
« miséricorde » ? Peu utilisé dans notre culture en tout cas. Et
beaucoup n’ont pas bien compris l’objectif du Pape François quand il vient
d’enclencher une année de la miséricorde pour l’Eglise universelle. Or, comme le pape a fait remarquer que, la
miséricorde, c’est peut-être ce qui manque le plus à notre société, cela vaut
peut-être le coup de s’arrêter sur ce mot.
Deux exemples à ce sujet, tirés des
infos entendues à France-Culture ce matin ; d’abord, concernant la Cop
21 : la porte-parole Sud-Africaine du G 77, regroupant 134 pays émergents,
a fait remarquer que les pays riches manquent singulièrement d’indulgence par
rapport aux nations en difficulté, et qu’il faut sans cesse les pousser pour
qu’ils acceptent de donner une aide, bien parcimonieuse généralement. Autre exemple : le journaliste a fait
remarquer que la justice française avait manqué d’indulgence (encore ce mot) vis-à-vis
de Jacqueline Sauvage, cette femme, battue pendant 47 ans, dont les filles ont
été violées par son mari, qu’elle a fini par abattre, récoltant 10 ans de
prison…
Faire preuve d’indulgence, de
miséricorde, voilà à quoi nous sommes appelés ! Quand on décortique ce mot, on fait la
découverte suivante : « miséricorde », c’est l’association de
deux réalités : la misère et le cœur.
Miséricorde signifie avoir un cœur (« cor » en latin), un cœur
qui bat pour les pauvres ( « misereor »
en latin, « j’ai pitié »).
Mais si on regarde dans la Bible, ce terme a encore un sens plus
précis, puisqu’il désigne le sein maternel, les entrailles d’une femme,
l’utérus, et l’on sait bien qu’une mère souffre dans ses entrailles, pour donner
la vie. Aimer avec ses entrailles, c’est aimer profondément.
Il apparaît treize fois dans la Bible que Dieu souffre avec ses
entrailles, comme une mère, par rapport à Jérusalem qui le déçoit, au peuple
élu qui est infidèle, face aux souffrances des malheureux ; on sent Dieu
comme oppressé,
à la façon dont on se dit parfois comme « pris aux tripes ».
Quant à Jésus, il s’est révélé parmi
nous comme le visage visible de la miséricorde du Père. Et, nombre de ses
attitudes sont guidées par sa miséricorde infinie. Les exemples sont
multiples : depuis le père de l’enfant prodigue, jusqu’au berger qui
descend dans les ronces chercher la brebis perdue, en passant par son attitude
face à la femme adultère que des religieux légalistes veulent punir, ou son
action permanente d’attention et de guérison auprès des personnes malades, etc…
Je vous renvoie à l’Evangile de Luc,
que nous lirons toute cette année C ; lisez-le avec cette clé de lecture,
et vous découvrirez combien la miséricorde, c’est la loi fondamentale, l’axe, la clé de l’action de Jésus.
A présent l’appel est clair, nous
sommes appelés nous-mêmes à rendre visible, à actualiser dans nos vies la
miséricorde de Dieu.
« Miséricordieux comme le Père », c’est d’ailleurs la devise
de cette année sainte. Mais comment s’y
prendre ? Cela rejoint la question
posée à Jean le Baptiste dans l’évangile de ce jour : « Que
devons-nous faire ? »
Le pape appelle nos familles, par
exemple, à être « des oasis de miséricorde ». D’ailleurs pourrait-il
y avoir une meilleure façon de se
préparer à Noël que de se défaire de nos brouilles et de nos rancoeurs ? Quel est le plus beau cadeau à offrir, sinon
cela ?
Vous connaissez cette phrase de saint
Paul aux Ephésiens : « Que le soleil ne se couche pas sur notre
colère !» Et si on faisait le pas, d’ici Noël, pour pardonner à un
conjoint, à un enfant, à un voisin, à un collègue de travail ? Et si on
laissait le grand fleuve de la miséricorde divine traverser nos familles, notre
société ?
Vous allez me
dire : « Ce n’est pas possible ! Dans notre famille, on ne
peut plus se pardonner. » Cela nous appelle à faire silence, à prendre le
temps de contempler la miséricorde de Dieu, à en faire notre style de vie. Nous
avons un an pour cela. D’ailleurs, se
réconcilier avec chacun, ainsi que le disent les médecins, c’est aussi très bon
pour la santé ; nous avons donc tout à y gagner ! Saint Basile, père
de l’Eglise, écrivait : « Par la miséricorde envers le prochain,
tu ressembles à Dieu. » Apprenons aussi la miséricorde à nos petits-enfants…
Et engageons-nous aussi dans des
œuvres de miséricorde, comme beaucoup le font déjà, à l’exemple de l’ACAT
(l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), qui lutte pour que le
jeune blogueur d’Arabie Saoudite, Raëf Badawi, échappe à sa condamnation à 1000
coups de fouet et à dix ans de prison.
Aujourd’hui, dans toutes les
cathédrales du monde, est symboliquement ouverte une porte de la Miséricorde ;
quel en est le sens ? De même que Jésus est la porte par laquelle il nous
faut passer, quiconque va passer la porte Sainte, à Saint Laurent-sur-Sèvre
dimanche prochain par exemple, s’engagera par cette démarche à être
miséricordieux avec les autres, comme Dieu l’est avec nous.
Enfin si tout cela vous paraît un peu
complexe, je vous laisse sur ce conseil de l’écrivain Gustave Thibon : « Dieu n’est qu’un
abîme de tendresse et de miséricorde dans lequel il suffit de se laisser
tomber ! »
« Laissons-nous tomber en
Dieu ! »
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