Voici le texte de l'homélie que j'ai donnée dimanche dernier, 21 décembre, en la Basilique de St Laurent-sur-Sèvre.
Joyeux Noël à vous !
Le Sens de la Crèche
Il pourrait sembler étrange que la liturgie nous propose
aujourd’hui l’évangile de l'annonciation de la naissance de Jésus, à trois jours seulement de
Noël.
Mais l’équipe liturgique qui a préparé cette messe nous en
donne l’explication à travers la phrase qu’elle nous propose, sur notre feuille de messe, pour résumer le
message de ce jour : « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ». C’est d'ailleurs la même annonciation qui nous est faite aujourd'hui, celle de concevoir, et de laisser naître, comme Marie, Jésus en
nous.
Il y a quelque temps, une maman m’a raconté le fait suivant.
Tandis qu’elle faisait ses courses dans un grand centre commercial, elle
surprit un dialogue étonnant. L’animateur, au micro, était en train
d’interroger un enfant : « Dis-moi, peux-tu me dire ce qu’il y a
dans une crèche ? » Et l’enfant de répondre : « des
moutons, un âne, des sapins… » Le sentant hésiter, l’animateur tenta de
l’aider. Et l’enfant d’ajouter, l’air tout à coup inspiré : « ah
oui, il y a aussi de la mousse et des petits santons. »
Et voilà Marie, Joseph, les bergers et même Jésus, réduits en
rôle de figurants, et que l’on avait même failli oublier ! Même l’âne est
passé devant. Quelle exacte illustration de cette phrase célèbre de l’Evangile
: « Il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Plus près
de nous, le filleul de baptême de Picasso, le célèbre poète Max Jacob,
s’écriait dans le même sens, peu après sa conversion et son baptême en
1915 : « Jésus habite en bas. » En effet, Jésus n’est pas né
dans le temple de Jérusalem, ni même dans la synagogue, et encore moins dans un
bâtiment public de l’époque, et non pas entouré de gloire et d’honneurs à la
façon d’un président, d’un homme public ou d’un empereur…
Si vous regardez une crèche de près, et j’espère que vous êtes
tous allés admirer la belle crèche de cette Basilique, vous allez remarquer que ce Jésus est un drôle de
nouveau-né. Il ouvre les yeux, il est éveillé au lieu de dormir comme le font
les bébés naissants. D’autre part, il tend les bras, et le plus fort, c’est
qu’il a parfois une figure d’enfant de six à huit ans ou plus.
Savez-vous que tout cela a un sens ? Cette apparence
étonnante chez un bébé, c’est une manière de nous faire comprendre que le Fils
de Dieu n’a pas d’âge, et que dans ce corps de bébé, c’est la personne du Verbe
Eternel de Dieu qui est présent. Quand au fait qu’il ait les bras ouverts, l’on
peut y voir deux significations. D’une part, c’est un geste d’accueil qu’il
nous adresse à tous, « les bras ouverts", comme on dit, que nous soyons parfaits ou
pécheurs. D’autre part, ses bras étendus font penser à l’attitude qu’il
aura un jour, sur la Croix. Rappelez-vous Saint Jean, 12/32 : « Quand
je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les humains. »
En outre, à votre avis, que signifie le fait que Jésus, ait
été déposé dans une mangeoire ? C’est sans doute une manière de souligner
que Jésus se donne à nous en nourriture. D’ailleurs, Bethléem signifie, en
hébreu, « la maison du pain ».
Vous voyez le symbole : entre la naissance (les bras ouverts), le
mystère pascal (sur la croix) et aussi, le lien entre le lieu de la naissance
et la mangeoire d’une part ; avec l’Eucharistie, le pain de Vie, le Corps
de Jésus que l’on reçoit d’autre part.
Tout cela peut même, (malgré la petitesse apparente du signe d’une
crèche), être très éclairant et source d’espérance. Verlaine l’avait bien
compris, quand il écrivait : « L’espoir luit comme un brin de
paille dans l’étable à Bethléem. » A la crèche, aucune parole n’est prononcée,
on ne dit pas que Jésus est Dieu, mais sa Divinité est suggérée par l’attitude
d’adoration de tous les personnages qui l’entourent. Marie à genoux, dans une
attitude d’humilité, les mains jointes ; elle fait penser à la nouvelle
Eve, par rapport à la première qui, avec Adam avait voulu devenir semblable à
Dieu, selon la promesse de l'antique serpent. Marie à genoux, et Jésus éveillé, nous
disent ensemble le mystère de Noël. En un tel moment, nul besoin de
paroles ; il se passe quelque chose
d’essentiel pour l’avenir du monde ; de la part de Marie, comme sa
mère et la nôtre, et avec la contemplation du reflet de la Gloire du Père, en
cet enfant.
Arrivons-en aux bergers. Ils sont là en permanence tout au
long de l’histoire de la Bible. Savez-vous qu’Abraham, Isaac, Jacob, mais aussi
Moïse, David et bien d’autres, étaient des bergers quand Dieu les a appelés.
Ils représentaient le peuple d’Israël, le peuple des « petites
gens », sans prétention, ceux que Jésus appellera « les pauvres de
cœur ». C’est eux qui seront les premiers avertis de la venue du Sauveur ;
ce qui signifie que Dieu s’est toujours fait connaître aux humbles, en
premier ; et à ceux qui souffrent et qui n’y voient plus clair dans leur
vie. Nous avons le droit d’envier les heureux bergers de Bethléem, et de
reprendre à notre compte cette belle prière d’Antoine de
Saint-Exupéry : « apparais-moi, Seigneur, car tout est dur,
lorsque l’on perd le goût de Dieu. »
Passons aux anges, ce mot hébreu qui signifie
« messager ». Savez-vous pourquoi ils sont représentés avec des
ailes ? Ceci est un symbole pour nous aider à comprendre qu’ils font le
lien entre le ciel et la terre. Si Dieu envoie ses anges aux bergers, c’est
pour leur annoncer la venue du Sauveur. De même que ce sont les anges qui
annonceront un jour aux saintes femmes que Jésus est ressuscité.
Enfin il est placé parfois d’autres personnages dans les
crèches, des santons de toutes espèces et de tous pays ; ce n’est ni une
erreur, ni une surcharge, c’est au contraire une façon de signifier que la
venue du Sauveur a concerné non seulement les bergers jadis, mais les humains,
de tous les pays et de tous les temps. Quant à la présence des sapins, de la
neige, des animaux, chameaux ou autres, cela veut dire que l’univers entier est
concerné par la naissance de Jésus. Les agneaux nous rappellent l’agneau
pascal ; quant à l’âne et au bœuf, il n’en est pas question dans
l’Evangile, mais on se base, pour les garder, sur la phrase d’Isaïe disant
(1/3) : « Le bœuf connaît son maître, et l’âne de la crèche son
Seigneur ».
Je termine cette explication par les sapins, ces arbres qui
ont été choisi par la tradition de Noël, parce qu’ils ne perdent pas leurs
feuilles, demeurant toujours verts, ils symbolisent l’immortalité et, en ce
monde fini, l’éternité. Vous voyez que dans une crèche tout est symbole,
tout à un sens, et tout est orienté sur le Christ.
Les crèches, en général, sont fortement illuminées ; et,
si toutes ces lumières, comme les guirlandes d’ampoules qui égayent nos
rues, si tout cela avait un sens et reflétait sans le savoir, une lumière
plus profonde ! Comme le disait le poète Jean
Cocteau : « Quand les mystères sont très malins, ils se cachent
dans la lumière. » Pensez-y ; quand vous admirez les guirlandes.
L’auteur du docteur Jivago, l’écrivain russe Boris Pasternak, présentait ainsi
la naissance de Jésus : « Il est venu léger, vêtu de lumière,
homme avec instance ».
Puissions-nous regarder
nos crèches d’un autre œil à présent, savoir en expliquer les symboles à nos
enfants et petits enfants ; mais surtout, puissions-nous faire de nos familles,
de notre cœur, et aussi de notre société, une belle crèche qui accueille Jésus,
et dans laquelle, tous, puissent être accueillis également, comme des frères !
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