Blog de l'arche de Noé 85 n° 3047
Peut-on croire en Dieu quand tout va mal ?
" Mets du charbon dans la machine ! "
Qui d'entre-nous, s'il a vécu un deuil terrible, ou une grande douleur, comme ce jeune couple heureux d'avoir un enfant, dont on a dû l’amputer d'un bras, qui n'a jamais demandé des comptes à Dieu quand cela allait mal dans sa vie ?
Je lisais dans le journal " La Croix " du 24 janvier, cette réflexion terrible de Piotr CYWINSKI directeur du musée d’Auschwitz : " La Shoah a provoqué une crise profonde de la religion, suite à la trahison que les juifs ont ressentie dans les camps : à quoi sert l'histoire de Moïse, puisque la mer ne s'est pas ouverte ? L'énorme majorité des survivants des camps a perdu la foi ..." " Mais où en était la conscience de chacun ?
Et toutes ces femmes, qui étaient croyantes, et que l'on a brûlées vives dans leur prison, récemment au Congo, après les avoir violées, qu'ont-elles pensé de Dieu ? Et ces otages israéliens innocents, emmurés vivants au fond des tunnels où ils sont torturés depuis de longs mois ? Et ces soldats ukrainiens orthodoxes, épuisés dans de durs combats, et ces gazaouis, que l'on se propose de chasser de leur pays, peuvent-ils encore faire confiance à Dieu ?
Chacun de nous se met à leur place, et se demande, dans de telles situations, ce qu'il ferait ! Face à de telles situations aussi tragiques, je repense à cette formule du credo, que l'on récite peut-être sans y prêter beaucoup d'attention : " Il est descendu aux enfers ". C'est-à-dire que Jésus, non seulement est descendu du ciel pour partager notre vie, mais il a rejoint nos vies humaines jusque dans nos lieux de souffrance et de mort, pour partager nos obscurités, nos inquiétudes et nos questions.
Personnellement, et je n'ose guère en parler, car mon épreuve, vu après coup, n'a été que légère, mais suffisante cependant pour me permettre un peu de réfléchir. Je vous ai écrit déjà sur ce blog que, pendant 4 bonnes semaines, j'ai vraiment cru que j'allais passer le restant de ma vie dans une petite charrette. Un certain nombre de nuits, je n'en ai pas dormi. Mais un jour, un ami, lui-même gravement atteint par un cancer, m'a dit ceci au téléphone : " N'écoute pas les paroles décourageantes, mets du charbon dans la machine ! "
Ceci, venant d'un plus malade encore que moi, m'a interpellé. Je me suis dit : le charbon, pour moi, c'est la confiance en Dieu. Je n'avais plus guère de courage ni la force de prier, mais chaque jour et au long des nuits sans sommeil, je me suis contenté de dire et de répéter à Dieu sans relâche : Seigneur, je suis dans ta main ..." Et je ne pouvais guère en dire plus. Mais je sentais, presque physiquement, que Jésus était descendu dans le petit enfer que je vivais, et qu'il me prenait par la main, avec Marie.
Je partage totalement ce qu'exprime Dom Maxence Bertrand, prêtre de le communauté Saint Martin, dans le même journal " La Croix " du 24 janvier, p.10 : " La lumière du Christ brille dans nos ténèbres. J'ai expérimenté cette présence forte du Christ par " en bas ", dans certains moments d'épreuve ... Hans Urs von Balthasar, un théologien suisse, disait qu'on pouvait toujours tomber plus bas que soi, mais qu'on ne tombera jamais plus bas que Dieu ".
Conclusion : on n'est jamais prêt quand le malheur arrive, et on ne peut pas le fuir quand il est là. A Auschwitz aussi sûrement, Dieu était présent ; Dieu a aussi été violé et brûlé au Congo, enterré dans les tunnels de Gaza. Peut-on encore croire en tout cela ? Seulement si on met du charbon dans la machine, si l'on s'habitue à vivre avec Dieu au long des jours, si on lui dit " me voici " avec confiance à l'aube de chaque matin, avec la même confiance que ces jeunes parents dont le bébé vient d'être amputé d'un bras, mais qui gardent malgré tout l'Espérance.
(texte du Père Olivier GAIGNET enregistré par son ami Jean-François)
1 commentaires:
En contrepoint de ton blog, je vais reprendre une histoire entendue le jour anniversaire de la libération des camps de la mort.
Joann Sfar,
l'auteur entre autres des formidables bandes dessinées du Chat du rabbin,
racontait qu'un groupe de juifs exterminés à Auschwitz se trouvait au Paradis et discutait.
A un moment donné, les hommes éclatent de rire et Dieu leur demande ce qui motive leur hilarité.
Ils lui répondent : "Ça s'est passé dans le camp, Tu ne peux pas comprendre, tu n'y étais pas ...".
Joann Sfar œuvre pour le rapprochement entre les peuples et les religions, mais il a fort à faire, malheureusement, car l'antisémitisme est plus virulent que jamais, en Occident et surtout au Sud de la Méditerranée.
A bientôt et la meilleure santé possible
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