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Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



samedi 17 septembre 2022

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2773 : Y a-t-il des risques à dialoguer avec d'autres religions ?

 

Le pape François a participé le 14 septembre 2022, au Kazakhstan, au VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles. Depuis Vatican II, l’Église catholique reconnaît la valeur des autres religions et propose d’entrer en dialogue avec elles. Mais certains se demandent si cela ne risque pas de relativiser le message chrétien… Entretien avec Henri de La Hougue, professeur à l’Institut de science et de théologie des religions de Paris.

  • Propos recueillis par Sophie de Villeneuve dans l’émission "Mille questions à la foi", sur Radio Notre-Dame.

Sophie de Villeneuve : Le dialogue interreligieux vise-t-il un rapprochement, voire une unité des religions ?

H. de La H. : Au contraire, le dialogue implique de prendre en compte chaque religion dans sa spécificité. Il ne s’agit pas de chercher à unifier des dogms, mais d’apprendre à se connaître mutuellement pour apprécier les richesses des autres et, ainsi, approfondir sa propre foi.

Dialoguer, c’est se connaître, mais n’est-ce pas aussi confronter ses idées, se disputer parfois ?

H. de La H. : Le mot « dialogue » a été remis en valeur par le pape Paul VI dans son encyclique Ecclesiam suam, parue en 1964, en plein concile. Il en parle comme d’un « dialogue de salut ». Le dialogue n’est donc pas une technique d’évangélisation, ce n’est pas non plus un moyen d’éviter de s’entre-tuer. C’est la manière dont Dieu s’est révélé : dans un long dialogue avec l’humanité, qui culmine avec l’Incarnation, le Verbe fait chair. Le Verbe, le logos, a traversé le Ciel, dia, pour venir nous parler. Nous chrétiens avons la charge de prolonger ce dialogue, d’être témoins pour les autres de ce dialogue que Dieu veut vivre avec l’humanité.

N’est-il pas difficile de dialoguer avec des personnes qui ne partagent pas la même foi ? Peut-on s’entendre d’abord sur quelques bases ?

H. de La H. : En effet. Le dialogue sera différent si l’on discute avec des juifs et des musulmans qui partagent avec nous une base anthropologique commune, que l’on trouve dans les écrits de sagesse : l’idée d’un Dieu créateur, qui intervient dans l’humanité, qui lui parle à travers des prophètes, qui demande à l’homme d’être responsable de sa vie, de témoigner de Dieu, un Dieu qui jugera les hommes à la fin de leur vie selon leurs actes…

Voulez-vous dire qu’il est plus facile de discuter avec des croyants monothéistes qu’avec des croyants d’autres religions ?

H. de La H. : C’est à la fois plus facile et plus difficile. C’est plus facile d’aller loin dans le dialogue. Mais il est plus facile aussi, parce qu’on a de nombreux points communs, de croire que l’on parle de la même chose quand on utilise les mêmes mots. Avec les bouddhistes, les choses sont plus claires. Pas de Création, pas de Dieu, cycles de renaissance : on sait d’emblée que l’on n’est pas dans le même univers. Avec les juifs et les musulmans, les pièges sont nombreux. Les mots « prophète » ou « Christ », par exemple, ne signifient pas la même chose.

Mais pour se mettre au diapason des autres, n’est-on pas obligé de revenir sur ses propres convictions ?

H. de La H. : Le Nouveau Testament (Actes 4,12) dit clairement qu’il n’y a pas de salut en dehors du Christ : « Il n’y a pas sous le ciel d’autres noms donnés aux hommes par lesquels nous devrions être sauvés ». Jésus a envoyé ses disciples annoncer l’Évangile à toutes les nations, et baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. L’annonce du Royaume de Dieu, établi sur la terre en Jésus-Christ, par la vie, la mort et la résurrection du Christ, comme un don décisif et universel que Dieu fait au monde, fait partie de la mission de l’Église. Cependant, annoncer l’Évangile en se posant comme détenteur de la vérité, les autres étant dans l’erreur, c’est tenir un discours inaudible pour ceux qui n’ont pas la même foi. De plus, le Christ lui-même a annoncé le Royaume en respectant les personnes, en les aimant, et c’est parce que les personnes se sont senties aimées et respectées qu’elles ont eu le goût de le suivre. Le dialogue et l’annonce, au fond, sont deux manières d’accomplir la même mission. Quand une vraie relation d’amour s’établit, chacun souhaite partager avec l’autre le cœur de ce qui le fait vivre, et chacun est en mesure de recevoir de l’autre le meilleur de ce qu’il vit sous la mouvance de l’Esprit Saint.

Finalement, le dialogue, c’est un partage…

H. de La H. : Oui, c’est le partage de nos convictions religieuses respectives, qui nécessite une certaine amitié. Un dialogue qui cherche à convaincre ou à convertir ne peut pas aller bien loin.

Cela risque-t-il d’affadir notre foi ?

H. de La H. : C’est un risque à prendre. Si l’on cherche à s’entendre en se disant que nous avons tous le même Dieu et les mêmes prophètes, on ne s’inscrit pas dans une vraie logique de dialogue. C’est comme dans les relations humaines : quand on aime des personnes, on a besoin de savoir qui elles sont vraiment, et que chacune puisse s’exprimer. C’est ce qui construit la relation. J’ai beaucoup d’amis musulmans, qui m’ont invité dans des mosquées à témoigner de ma foi chrétienne. De futurs imams m’ont invité à leur parler de l’eucharistie pendant trois heures. J’ai même été invité à prêcher à la grande mosquée de Téhéran, devant mille personnes à qui j’ai parlé de deux sujets typiquement chrétiens : pourquoi nous disons que le Christ est le Fils de Dieu, et pourquoi il est important pour nous qu’il soit mort sur la Croix. Je me suis appuyé pour cela sur des notions du chiisme, et ce que j’ai dit a été très bien reçu.

Il a donc fallu pour cela que vous ayez une bonne connaissance de l’islam et du chiisme…

H. de La H. : Connaître l’autre est la première étape du dialogue. Cela permet aussi d’approfondir sa propre foi. Quand on fait visiter une église à un musulman pour la première fois et que l’on explique ce qu’est le tabernacle, le confessionnal ou l’autel, il faut pouvoir utiliser d’autres mots que ceux que l’on utilise habituellement avec des chrétiens. Un musulman ne sait pas ce qu’est la présence réelle ou la rémission des péchés. Il faut pouvoir utiliser les mots de tous les jours pour parler de sa foi, ce qui oblige à approfondir sa propre foi.

Le dialogue entre les religions n’est donc pas forcément un dialogue de sourds.

H. de La H. : C’est un dialogue qui se vit dans le temps, mais aussi, pour que ça marche, dans l’estime mutuelle, le respect et l’amitié. Si c’est le cas, le dialogue est un lien d’enrichissement pour les deux côtés.

Beaucoup pensent que le dialogue est inutile, surtout avec l’islam. Que leur diriez-vous ?

H. de La H. : Qu’ils peuvent essayer. Il y a trente ans que je me suis investi dans le dialogue avec l’islam. Bien sûr, il y a des gens, d’un côté comme de l’autre, qui ne veulent pas dialoguer. Mais je crois qu’on peut dialoguer avec la plupart des musulmans, et certaines réalités concrètes nous y invitent. Je pense par exemple aux couples islamo-chrétiens, qui sont de plus en plus nombreux. Il faut qu’ils puissent s’entendre, construire une vie, élever des enfants ensemble. Cela ne peut pas se vivre sans un profond dialogue interreligieux.

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Merci à la paroissienne fidèle de ce blog qui a eu le belle idée de me communiquer cet intéressant document !

 

 


1 commentaires:


Marie-France Dauce a dit…

Cela me fait penser une fois encore au livre "Des femmes et des dieux" : échanges entre une rabbin, une imame et une pasteure. Un livre passionnant qui illustre les propos tenus par Henri de La Hougue. !