Homélie en l'église de Jard-sur-Mer, ce 1° mai 2022.
Chaque dimanche, pendant le temps pascal, c'est avec émerveillement que nous relisons ensemble, en Eglise, ces évangiles de la Résurrection. Entre autres, ce matin, l'évangéliste St Jean nous fait entrer, à la suite des disciples, dans l'intimité du Ressuscité. En commençant par cette phrase si évocatrice : "Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage."
Et alors, au plus profond de notre coeur, l'on imagine la scène : après les événements de Pâques, dont ils ne sont pas encore revenus, les disciples ne savent plus trop ce qu'ils doivent faire ; Jésus n'est plus là pour les relancer, pour les guider... Ils s'en retournent donc vers leur métier, et reprennent ce qu'ils savent faire : aller à la pêche ; mais, pas de chance : "cette nuit-là, nous dit St Jean, ils ne prirent rien."
Et c'est là que commence le miracle ! Alors que leur esprit était un peu tourneboulé par les derniers événements, fatigués qu'ils étaient aussi par leur vaine nuit de travail, voici qu'une figure étrange, qu'ils ne reconnaissent pas de prime abord, les attend sur le rivage, dans la lueur du soleil levant. On se croirait dans un film de Pasolini, ou Fellini ; rappelez-vous peut-être ! Une figure d'une beauté incomparable, rappelant ce que disait l'écrivain russe Dostoïevski : "Il n'existe au monde qu'un être absolument beau : le Christ." Dans la pureté de ce nouveau jour, en ce cadre merveilleux du lac de Tibériade, et si une aube nouvelle était possible ?
N'est-ce pas d'ailleurs la même question que nous nous posons également ? Comme les disciples, nous aussi, nous avons bien entendu dire que le Christ a souffert, qu'il est mort, et que cette mort, il l'a vaincue ; mais notre vie de tous les jours a-t-elle changé ? Tant de soucis nous oppressent : la guerre en Ukraine, l'avenir de notre pays, sans parler des problèmes au sein de nos familles... L'on me citait hier le cas de cette jeune fille de 13 ans qui vient de faire une tentative de suicide... Que de misères ! Que la Résurrection semble lointaine !
Et pourtant, nous sommes là, ce matin encore, pour louer le Seigneur. Au lever du jour de ce 3° dimanche de Pâques, comme jadis sur le rivage de la mer de Galilée, Jésus se tient là, debout, sur le rivage de notre vie. Et tandis que trop de gens, dans notre société, ont voulu supprimer son nom et effacer son visage, et alors que, comme les disciples, nous nous sentons impuissants et oppressés par la nuit de nos faiblesses et de notre péché, voici qu'un profond sentiment de paix, ainsi qu'une paisible lumière, durant le moment de cette eucharistie, viennent apaiser notre vie.
Frères et soeurs, ce ci est le signe qu'en ce moment, le Christ ressuscité, dans toute sa beauté, est en train de nous rejoindre, au milieu de notre assemblée, comme au plus profond de la vie de chacun de nous. Et alors, tout peut changer ! Une pêche miraculeuse est possible. attention, nos problèmes ne vont pas disparaître comme par enchantement ; mais si nous laissons le Ressuscité agir en nous, nous prendrons de nombreux poissons ; symboliquement, cela veut dire qu'il se passera des choses qui seront belles, meilleures, dans notre vie.
Ces jours derniers, l'on a pu admirer sur nos écrans la foi de ce commandant d'une unité de l'armée ukrainienne déclarant, le jour de Pâques, du fond d'une cave de l'immense usine sidérurgique de Marioupol assiégée ; on dirait le fond d'un tombeau : "En ce grand jour de Pâques, chère Ukraine, le Christ est ressuscité !" C'est pourtant encore le Vendredi-Saint pour ce chrétien orthodoxe, qui va peut-être donner sa vie pour son pays.
Et, comme le disait le père Christian Delorme, dans une méditation écrite au début de l'offensive russe, devant les images de destruction, de terreur, d'exode : "le Crucifié, ces jours, est en Ukraine... O Jésus, qu'ils sont longs les vendredis saints du monde !" Mais ce soldat, ce témoin de l'Evangile nous rappelle que, même dans les moments noirs de notre existence, le Ressuscité se tient debout près de nous, sur le rivage de notre vie, et que l'on peut compter sur lui.
Une dernière chose : vous avez sans doute compris que la question posée par Jésus à Pierre, à trois reprises, à savoir : "m'aimes-tu ?" Jésus la pose à présent à chacun de nous ; une fois, deux fois, trois fois. Simon Pierre a répondu comme il pouvait ; un peu gêné sans doute, car conscient de ce que son amour pour le Christ était insuffisant. Mais ce n'est pas grave, nous dit Jésus. Même si notre amour pour lui est imparfait, même si nous ne nous sentons pas à la hauteur, redisons quand même au Christ que, malgré nos multiples péchés, "oui Seigneur, de tout notre coeur, nous t'aimons !"
Amen ! Alléluia !
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