Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2529 : "Mon" facteur est turc !

 Il m'arrive en ce moment une belle histoire ; une de celles qui font rêver, et dont l'on n'ose pas croire qu'elles pourront se réaliser.... J'avais déjà eu le bonheur d'accompagner jusqu'au mariage la factrice qui, chaque jour, durant deux années, est passée déposer mon courrier. Après la cérémonie, lorsqu'elle s'arrêtait ainsi un bref instant, et que nous échangions quelques mots, ce n'était plus pour moi une fonctionnaire anonyme, si sympathique soit-elle.  Le jour où elle m'a appris qu'on lui demandait d'assurer la tournée sur un autre quartier, je l'ai regrettée.

Un autre facteur est alors apparu. On expliquait sur le "Ouest-France" d'hier pourquoi les facteurs risquaient de se faire attaquer par des chiens plus que tout autre passant, revenant sans cesse en effet sur le territoire chasse gardée de ces chiens. Un bonjour amical de temps en temps avec ce nouveau facteur, sans chien chez moi pour lui enlever son sympathique sourire. Puis, il y a trois semaines, lors d'un échange qui se prêtait à ce partage, alors que je ne posais aucune question et que j'aurais juré qu'il pouvait être natif de Talmont, il me fit savoir qu'il était d'origine turque, de religion musulmane, et que son prénom était Hilkan. 

Bien entendu, ceci n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Ayant parcouru la Turquie à diverses reprises, je lui ai demandé de quelle région il était originaire. De Tarse, me répondit-il, avec un grand sourire, devinant sans doute que ce nom allait me dire quelque chose. Et de me parler avec abondance de sa ville natale, de sa famille, toujours là-bas, et du respect qu'il avait pour Paul, fier que celui-ci soit originaire de sa ville natale. D'ailleurs, m'avoua-t-il, "j'ai donné le nom de Paul à l'un de mes fils, comme deuxième prénom."  A mon tour de le féliciter de son ouverture d'esprit. J'ai peut-être eu tort, mais je me suis permis de lui dire que je n'étais sûr que beaucoup de chrétiens en auraient fait autant ; par exemple, en donnant le nom de Mohammed comme deuxième prénom à l'un de leurs enfants ; mais passons !

Je lui ai partagé quelques souvenirs de voyage, lorsque, cela ne date pas d'hier, en 1966, avec deux amis aventureux, après avoir traversé une fameuse gorge, très étroite, entre les derniers contreforts du Taurus, l'on débouche dans la plaine de Cilicie, à Tarse ; ville de 6000 ans d'âge, où nous avions passé un après-midi, la Bible et un guide à la main, bien accompagnés et orientés par les personnes que nous rencontrions. A titre de rappel : "Je suis juif de Tarse, en Cilicie, citoyen d'une ville qui n'est pas sans renom." (Actes 21/39)  Entre autres, il me parla alors aussi d'Antioche, ville toute proche, et de ce qu'il en savait par rapport aux chrétiens, regrettant qu'avec la situation, bien peu de chrétiens parcourent cette région à présent.

Ensuite, un bonjour rapide lors de ses passages. Sauf que, hier midi, il est venu frapper à ma porte : "J'ai quelque chose pour vous !" Et il me présente un petit paquet. Bien emballée, je découvre alors une très jolie illustration, mi-métal, mi-tissu, comprenant une icône représentant l'apôtre Paul, avec la mention "Tarsus". "Ca a été fait par un artisan de Tarse ! Ca ne vient pas de Chine ou d'ailleurs ; c'est fait chez nous !" Inutile de dire combien cela m'a ému ! J'ai placé ce cadeau dans ma petite crèche, car Jésus est venu nous sauver bien au-delà de la religion catholique seulement.

J'ai repensé alors à cette phrase prophétique de l'ancien archevêque d'Alger, Henri Teissier, décédé le 1° décembre dernier : "Le Royaume ne se construit pas là où on fait des baptisés, mais là où on travaille à plus d'humanité."   Puissions-nous, notre Eglise et nous-mêmes, ne pas oublier une telle priorité !