Il y a 102 ans aujourd'hui, sur l'ensemble des lignes de front, un clairon sonnait la fin, tant attendue, de la 1° Guerre mondiale. L'immense boucherie allait enfin s'achever. Mais la question demeure : comment se fait-il que, près de 2 000 ans après la proclamation des Béatitudes, l'Allemagne et la France, deux des plus beaux fleurons de la chrétienté en Europe, se soient ainsi jetées à la gorge l'une de l'autre ? Fruit d'une idéologie qui n'avait bien sûr rien d' "islamiste", mais, qui rongée par une haine séculaire due à un nationalisme ombrageux, ne valait guère mieux ! En opposition total avec le message reçu de nos soit-disant racines chrétiennes.... Rien à envier avec la barbarie ni les horreurs dites "islamistes" d'aujourd'hui ! "Farce démente", ainsi que Maurice Genevoix dénommait cette guerre, fruit d'une idéologie enracinée dans les consciences françaises, allemandes et autres, qui a entraîné un nombre de victimes sans égal dans les conflits actuels qui terrorisent notre planète.
Vous allez me dire : "Mais enfin, l'Europe s'est pacifiée depuis..." C'est vrai ! Mais nous constatons que, plus de 100 après ce déluge de haine et de feu, des conflits déchirent toujours notre monde, tandis que de terribles attentats ensanglantent notre pays.
En effet - n'ayons pas la mémoire courte - quel exemple nos pays chrétiens ont-ils laissé alors au reste de la planète !!! Ne fuyons pas aveuglément nos responsabilités. En 14-18, nous avons ouvert largement la boîte de Pandore, d'où est sorti le vent de la haine, qui s'est répandu jusqu'à nos jours à travers le monde entier. Le mal est fait ; et à présent, "le ventre est toujours fécond, d'où a surgi la bête immonde." (Bertold Brecht) Et si le 11 novembre, c'était le moment de demander enfin Pardon à l'Humanité ? Quel malheur de voir tant d'autres nations suivre aveuglément le chemin de mort que nous avions ouvert entre 1914 et 1918, à travers les barbelés et dans la boue des tranchées !
Chemin de mort que nous entretenons d'ailleurs sans vergogne puisque, comme le souligne très à propos Jeanne-Emmanuelle Hutin dans l'édito de "Ouest-France" de ce 11 novembre : "Les Européens (dont la France malheureusement), qui figurent parmi les plus grands vendeurs d'armes du monde, devraient montrer l'exemple en mettant un terme à ce commerce suicidaire." Et après, nous ferons les étonnés face aux attentats ; mais ce sont les conséquence de notre histoire et de nos contradictions qui nous reviennent automatiquement en pleine figure... Mais cette relation directe, ce rapport, en raison de notre orgueil, de notre inconscience ou de notre mauvaise foi, nous ne le voyons toujours pas !
Autre contradiction qui ne contribue guère à nous conduire sur un chemin de paix, relatée par une lectrice sur le "Ouest-France" de ce jour, méditons cet étonnement du célèbre chanteur Grame Allwright : "Je me suis toujours demandé comment les Français peuvent continuer à chanter, comme chant national, un chant de guerre (...)." Et on veut faire entrer à l'école ces paroles pleines de violence dans la tête des enfants, sans se demander si cela va les aider à construire la fraternité et la paix...
Et pourtant, le miracle, c'est que, chez "Ceux de 14", pour reprendre le titre de l'un des ouvrages de Maurice Genevoix, il s'est trouvé des guerriers, des poilus qui ont su montrer que, même dans leur enfer, le mal, la haine, n'ont pas eu le dernier mot.
Voici par exemple l'extrait d'une lettre d'un soldat breton du nom de Le Dénen, adressée à son épouse : "Chère petite aimée, toi qui as du coeur, je suis surpris de t'entendre parler comme tu le fais au sujet des Prussiens. Certes, ils ne sont pas tous bons, et il y en a qui sont de vrais bandits. Mais ne dis pas qu'ils sont tous mauvais. Ils sont forcés à faire le mal par des chefs, qui sont maudits par leurs hommes et pas nous-mêmes. D'ailleurs, continue-t-il, ce sont de pauvres et malheureux pères de famille. Nous en avons fait un prisonnier l'autre jour, qui a huit enfants en bas âge. Et ces jeunes Allemands que l'on envoie sur les champs de bataille, ils ne sont pas tous mauvais. Ces jeunes maris ont laissé une femme au pays. Leur mère a peiné pour les élever. Le bon Dieu, qui est bon, ne les aime-t-il pas tous autant que nous ? Il ne nous a pas créés de race inférieure à l'autre, et nous sommes tous aussi chers à son coeur.
Ainsi, par moment, en voyant tout le mal qu'ils font, si je me révolte, j'entends aussitôt une voix intérieure qui me dit : "Comprends ce qui se passe, et ne te laisse pas entraîner à maudire tous les Allemands. Mon aimée, ne hais pas les Boches, prie pour eux !
Quel exemple pour nous aujourd'hui ! Serions-nous capables de réagir ainsi ? Ou la haine prendra-t-elle le dessus ? Le pape François, dans son encyclique "Tous frères", a écrit un chapitre dans lequel il condamne fermement toute forme de guerre et de conflit (n° 255 à 262) : "Retournons contempler les nombreux civils massacrés. (...) Nous pourrons ainsi reconnaître l'abime du mal qui se trouve au coeur de la guerre, et nous ne serons pas perturbés d'être traités de naïfs pour avoir fait le choix de la paix." (261)
A diverses reprises, lors de la 1° Guerre mondiale, le pape Benoît XV lança des appels à la paix ; il ne fut pas entendu. Dans une émission consacrée au général de Gaulle hier soir sur France 2, il était rappelé que de Gaulle, pourtant bon chrétien, n'aimait pas ce pape, que Clémenceau, pour les mêmes raisons, traitait de "Pape boche", lui reprochant d'avoir pris le parti de l'Allemagne, celle-ci faisant d'ailleurs à Benoît XV le reproche exactement inverse ! Je fais un rêve : que l'appel du pape François reçoive un meilleur écho de nos jours ! Cela dépend aussi de chacun de nous...
(1) Jean Quatremer est journaliste au quotidien "Libération". Il est, entre autres, président du bureau international de l'Association des journalistes européens. Il était invité hier soir sur Arte, en tant qu'expert à propos de l'avenir de l'Europe. Sa réflexion, que j'ai placée en titre de ce billet, aurait pu aisément figurer dans l'encyclique "Tous frères" !
2 commentaires:
Un grand merci pour ce partage, Olivier !
Quel beau témoignage de paix, de foi, d'amour et de fraternité au travers de cette lettre du soldat Breton Le Dénen !
J'ai toujours aimé les chansons de Greame Allwright dont les textes ont souvent été engagés. Il nous a quitté cette année. Je l'ai toujours perçu comme un semeur de joie et de vérité, comme un fervent défenseur de la liberté et de la fraternité.
C'était un vrai Humaniste qui avait le coeur sur la main..
Voici en partage l'extrait d'une de ses chansons qui s'appelle "le jour de clarté" :
"On peut chanter tous les poèmes des sages
Et on peut parler de l'humilité
Mais il faut s'unir
Pour abolir
Injustice et pauvreté
Les hommes sont tous pareils
Ils ont tous le même soleil
Il faut, mes frères, préparer
Le jour de clarté"
Bien sûr une pensée profonde et sincère en ce jour particulier pour toutes les personnes, soldats, hommes, femmes et enfants, allemands, français et de toutes les nationalités , qui ont traversé cette terrible guerre 14-18, en ont subi les conséquences et se sont nourris malgré tout de quelques uns de ses enseignements.
J'ai regardé sur replay Jean Quatremer
sur Arte
Olivier, merci de me guider .
Tout çà est passionnant pour moi.
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