Nous sommes en plein débat par rapport au projet de loi bioéthique ; l'Eglise (catholique), fort inquiète face à des propositions sans doute parfois très transgressives, courageusement, fait feu de tout bois, espérant être comprise et écoutée. Mais rien de bien certain apparemment... Pourquoi ?
Il n'est sans doute pas superflu de rappeler que, pendant de nombreux siècles, l'Eglise (catholique) a cherché à imposer son emprise sur le monde, qu'elle dominait : le calendrier, la pensée, la façon de traiter les personnes "déviantes"..., tandis que souvent, c'est aussi elle qui dictait la politique à mener, etc.
Cependant, à notre époque, les médias, les personnes qui ne se reconnaissent pas dans le magistère de l'Eglise, les membres des autres religions et autres ne se situent plus en dépendance de la pensée ni des volontés de l'Eglise (catholique) : ils ont repris leur liberté ! Et désormais, ils n'hésitent pas à défendre haut et fort, et sans complexe, des projets qui n'ont pas l'aval des autorités catholiques.
Faut-il s'en plaindre ou s'en réjouir ? Le terrain est glissant ! Commençons par reconnaître comme une avancée le fait que nombre de personnes sont autonomes désormais dans leur pensée, et n'attendent plus la permission de monsieur le curé ou de monseigneur pour savoir ce qu'ils ont à dire ou à faire. L'Eglise en a pris acte lors du Concile Vatican II, témoin cet extrait, parmi d'autres, du texte "L'Eglise dans le monde de ce temps", au § 41 : "L'homme moderne est en marche vers un développement plus complet de sa personnalité, vers une découverte et une affirmation toujours croissante de ses droits."
Ceci dit, des enjeux sont très graves en effet, dans ce projet de loi qui, d'après les évêques, "s'apparente à un changement anthropologique radical" : ouverture de la PMA aux femmes seules, fabrication d'embryons chimères homme-animal, procédé du "bébé-médicament", etc. Je vous renvoie aux articles sur le sujet.
Face à de tels enjeux, deux attitudes sont possibles : faire une étude approfondie des questions en cours et donner connaissance des choix possibles ; c'est positif, car cela consiste à apporter notre pierre à la réflexion des diverses instances de notre société. L'autre attitude par contre peut sembler déplacée, lorsque des responsables ecclésiaux, ou certaines associations cathos semblent vouloir imposer leurs choix à l'ensemble de la société française. En effet, faut-il aller jusqu'à dénoncer bruyamment le projet en cours ? L'histoire de l'Eglise ne nous a-t-elle rien appris ? Ni ses déboires, anciens ou récents ? L'Eglise a le droit, et la liberté de dire ce qu'elle pense ; mais modestement, et sans vouloir imposer ses conceptions, si bonnes lui semblent-elles, au reste de la société !
Comme l'a dit monsieur le pasteur J-A de Clermont : "Les chrétiens n'ont pas à dicter au monde sa conduite ; ils ont à marcher eux-mêmes sur le chemin de la droiture et de la justice."
Entre parenthèses, comment se fait-il que l'on soit si présent, si offensif, sur un tel projet, alors que l'on n'entend pas ou si peu la voix de l'Eglise (catholique) sur d'autres questions aussi vitales, comme le sort des migrants, des sans-abri, la politique économique, la course aux armements, etc. ? Par exemple, il y a un danger de mort en Méditerranée ; qui a entendu un évêque sur ce sujet ?
J'en reviens au titre de ce billet : vous savez que beaucoup, à Lourdes, autour de Bernadette, étaient sceptiques par rapport à ce qu'elle leur disait à propos des apparitions de la Vierge et de son message. Face à leurs critiques, parfois ironiques et méprisantes (à l'image des critiques qui sont faites à notre Eglise aujourd'hui), elle se contentait de répliquer : "Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire."
Puisse l'Eglise (catholique) apprendre à dire les choses dans ce même esprit ; en acceptant que tous ne se rangent pas automatiquement sous la bannière de ses beaux discours. Faire du forcing, faire pression sur les consciences, n'est-ce pas agir dans un sens contraire à l'Evangile ? A l'exemple du Christ-serviteur, réapprenons l'humilité ! Au coeur même, et non au-dessus de la société !
lundi 27 juillet 2020
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2432 : L'Eglise doit-elle donner des leçons au monde entier ?
Publié par
Olivier Gaignet
à
17:01
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2 commentaires:
Merci Olivier pour cette fine analyse à propos du rôle de l’Église dans la société. Les inquiétudes par rapport à la loi bioéthique sont bien légitimes et l'Église peut comme tous, exprimer son sentiment. Il arrive même qu'on la consulte. Mais elle ne peut plus en effet dicter la politique d'un gouvernement dans un pays laïc !
Il me semble que cette attitude (vouloir dicter...donner des leçons) relève du cléricalisme dénoncé par le pape François.
Je lis actuellement un livre de Loïc de Kérimel, décédé peu après la parution de son livre au printemps dernier, "En finir avec le cléricalisme". Il démonte le système mis en place progressivement, s'éloignant du message de Jésus... il peut sembler dérangeant, mais il aide à réfléchir à cette question.
Oui, continuons à exprimer nos opinions, nos convictions, sans vouloir les imposer.
Et nous pouvons dire en priant, comme proposé dans un billet précédent: « Je te confie cela. À toi d’y penser pour moi ».
Merci Olivier et Marie-France de participer à nous interroger sur la place, le rôle et la participation de l'Eglise catholique dans notre société. Je suis souvent interpelée de lire et d'entendre que nous sommes un pays laïc alors que les jours fériés dont nous jouissons tous sont pour la plupart en lien avec la religion et que l'Eglise catholique est si présente, au travers de monuments bien sûr mais aussi des symboles comme le Christ sur sa Croix que l'ont voit si souvent dans nos rues et nos paysages. Cela retrace certainement une partie de notre Histoire où l'Eglise avait un autre poids dans les décisions prises pour et au nom de notre pays, mais que reste-t-il vraiment de tout cela ? Je ne le sais pas mais j'imagine toujours que peut-être les mentalités demandent à changer et à évoluer... S'interroger, c'est déjà mettre ou se mettre en marche vers quelque chose que nous pouvons espérer nous être meilleur, plus juste et plus équitable ; plus proche de Dieu et de son fils Jésus-Christ.
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