J'en finis parfois par me demander si, pour certains, dans l'Eglise Catholique, y compris au plus haut niveau, les femmes ont bien une âme : la plupart du temps laissées au second plan, traitées trop facilement en mineures, exclues des responsabilités les plus importantes, sous la tutelle forte d'un clergé masculin souvent plein de lui-même, interdites de choeur en ce qui concerne les servantes d'autel, moquées en 2008 par l'ancien archevêque de Paris qui avait déclaré sur Radio Notre-Dame : "Le tout n'est pas d'avoir une ,jupe, il faut avoir quelque chose dans la tête"... Mais notre pauvre Eglise est-elle consciente du scandale causé par la façon dont elle traite nos soeurs les femmes en son sein ? Personnellement, j'éprouve un grand sentiment de honte, face à une telle situation, dans laquelle les valeurs des personnes ne sont pas reconnues ni honorées, en fonction simplement de leur sexe...
Dès la naissance de l'Eglise, le rôle des femmes est resté cantonné au second plan. Aujourd'hui cependant, beaucoup plaident pour que l'Eglise reconnaisse et valorise le service rendu par les femmes. A titre d'exemple, voici une interview, tiré du jounal "La Croix", de Sylvaine Landrivon, théologienne, auteur de "Marie-Madeleine, la fin de la nuit".
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Sophie de Villeneuve : Certaines femmes dans la Bible semblent avoir
eu un rôle très important, comme Marie-Madeleine, ou d’autres au premier siècle
dans les communautés chrétiennes. Or par la suite cette importance a
considérablement diminué. Pourquoi ?
S. L. : La première raison est anthropologique : depuis des
millénaires, ce sont les hommes qui ont le pouvoir, et ils n’ont pas envie de
le partager avec les femmes. Dans la Bible, Dieu crée un être humain unique, à
partir duquel il crée un homme et une femme. Rien ne dit que le premier humain
était un homme. Ce sont les traductions qui ont introduit un rapport de
subordination, et on a fait des femmes des subalternes.
Il y a donc dans la Bible de belles figures féminines qui ont sauvé la foi…
S. L. : Oui, mais on en parle un peu comme d’une légende, et sans
jamais chercher à y trouver un sens ni à donner un rôle aux femmes. Dans le
second livre de la Genèse, Dieu ne dit pas « Je vais donner une aide à
l’homme », comme on l’a traduit. Le mot hébreu signifie « secours »,
ce qui n’a pas un sens de subordination. On dit que Marie-Madeleine est
l’apôtre des apôtres, mais elle n’a jamais eu le titre d’apôtre, elle n’a pas
créé d’évêque… Et cela n’a pas modifié la condition des femmes.
Pourtant, elle a été secourable !
S. L. : En effet, dès que Jésus l’a guérie de ses maladies, qu’on a
considéré on ne sait pourquoi comme des péchés, elle a secouru de ses biens
Jésus et l’Église naissante, elle a toujours été fidèle, sans rien attendre en
échange. Quand les apôtres masculins n’osent pas aller au pied de la Croix, ou
même renient Jésus, Marie et Marie-Madeleine sont présentes. Après quoi on leur
demandera de rentrer sagement chez elles, au point que les Actes des apôtres et
saint Paul n’en parlent même plus.
Tout de même, dans les Actes des apôtres, on voit beaucoup de femmes
s’activer auprès de saint Paul.
S. L. : En acceptant des femmes autour de lui,
Jésus était déjà très subversif. Autour de saint Paul, on
voit Phoebé ou d’autres. Quand les femmes prophétisent, il leur demande de se
voiler les cheveux, ce qui montre bien qu’il les laisse jouer un rôle dans la
communauté. Mais la société dans laquelle il vit n’est pas du tout prête à
recevoir cette façon de vivre.
Quand la place de la femme s’est-elle estompée dans l’histoire ?
S. L. : Dès la naissance de l’Église. On n’était pas capable à l’époque
même de Jésus d’entendre l’idée qu’il fallait laisser une place aux femmes. Par
la suite, au Moyen Âge et pendant la Renaissance, le pouvoir est resté aux
mains des hommes.
Saint Thomas d'Aquin, qui a
pourtant écrit de très belles choses sur Marie-Madeleine, dit des femmes
qu’elles sont des imbéciles, des êtres inférieurs, récitant ainsi les leçons
d’Aristote. Il a fallu attendre Vatican II pour que l’Église considère que les
femmes ne sont pas seulement des objets sexuels, mais qu’elles aussi un cerveau
et les moyens de penser réellement.
Les femmes ont-elles toujours ce rôle de « secours »
qu’elles avaient au départ ?
S. L. : Elles l’ont au sens le plus caricatural du terme. On les
appelle dans les diocèses pour faire tout ce qui ne demande pas de pouvoir ou
de responsabilité. Et quand elles ont des responsabilités, c’est au second
plan, sans visibilité. Le pape François est en train de le comprendre, et il se
passe des choses extraordinaires. Il a compris que la différence homme-femme
passe par une différence de transmission de la Parole, des façons de voir le
monde qui sont complémentaires, et que les deux sont nécessaires.
Quelle est la spécificité des femmes dans la transmission de la
Parole ?
S. L
Jean-Paul II a parlé de LA femme en l’idéalisant et en
survalorisant, ce qui est pire que tout. Mais je crois, même si cela fâche les
féministes, qu’il y a une spécificité féminine qui réside dans le secours, dans
l’accueil, dans le soin et l’attention aux autres, dans une manière différente d’accueillir
et d’intégrer, de discerner aussi. Les femmes ne lisent pas l’Écriture comme
les hommes. Les théologiennes ont un autre regard que les hommes.
En quoi est-il différent ?
S. L. : Il est plus centré sur le soin, le « care » sur
lequel les Américaines ont beaucoup réfléchi. Carol Gilligan a montré que les
hommes sont davantage du côté de la justice, et les femmes du côté du soin. Si
le soin n’est pas dévalorisé, si on revalorise ce que prêche le Christ,
c’est-à-dire le service, je pense qu’une place peut être donnée aux femmes. Les
femmes ne peuvent être réduites à leur maternité, car elles sont mères en
amont, sans forcément avoir des enfants.
Dans l’Église telle qu’elle est aujourd’hui, quel peut être le rôle des
femmes ?
S. L. : Je pense qu’il pourrait être exactement le même que celui des
hommes, dans la mesure où il serait vécu différemment. Cela ne veut pas dire
qu’il faut revendiquer la prêtrise pour les femmes. On a besoin de postes de
responsabilité où la parole des femmes puisse être entendue.
Les femmes pourraient-elles faire des homélies par exemple ? Être
diaconesses ?
S. L. : Bien sûr. Pourquoi une mère abbesse ne pourrait-elle pas faire
une homélie ? Quant aux diaconesses, il y en avait dans l’Église au temps
de saint Paul. Qu’est-ce qui l’interdit ?
Vous êtes prête à vous battre pour cela ?
S. L. : Je le fais déjà dans mes livres ! Et oui, c’est un combat
pour moi, car je crois que la spécificité féminine dans la transmission de la
Parole est important.
1 commentaires:
Merci Olivier pour ce billet qui rend justice aux femmes dans notre Eglise
JLuc
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