Avant-hier dimanche, en m'installant devant mon poste de télé pour participer à la messe par l'intermédiaire du "Jour du Seigneur", j'avais un espoir en tête. Mais, ni dans le mot d'accueil, ni à travers l'homélie, ni parmi les intentions de la prière universelle, je n'ai entendu la moindre allusion à ce qui était pourtant une évocation importante en un tel jour. Arriva alors le mot final, du sympathique petit frère dominicain qui célébrait l'eucharistie. Il annonça qu'il allait nous dire quelque chose à propos du beau mot : "liberté". Mon coeur alors tressaillit d'allégresse ! Patatras : il ne s'agissait que de notre petite liberté individuelle retrouvée, suite aux 55 jours de confinement.
Une fois encore, me suis-je dit, l'Eglise est passée à côté de la plaque ! Pas du tout par mauvaise volonté ; mais comme souvent, trop de gens d'Eglise vivent en marge du monde et de l'actualité. En quel sens ? Eh bien parce que, au contraire, "Ouest-France", la veille, ainsi que d'autres médias, le samedi, avaient bien annoncé que le dimanche 10 mai était la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Pour ne citer que "Ouest-France", il en a été de nouveau question, page 18, hier lundi. Quand on pense à ce qu'a été l'esclavage, qui a sévi du 16° au 19° siècle, condamnant à la déportation au minimum 12 millions d'Africains, dans des tortures inouïes... Quand on pense que les initiateurs, nos ancêtres, étaient des baptisés de racines chrétiennes, et que cela s'est poursuivi durant plusieurs siècles.. . Quelle honte pour nous ! Quelle tache sombre sur le beau nom de "chrétiens" (= disciples du Christ)... Il serait dommage que l'Eglise mette tout cela "sous le tapis" !
Un bref rappel historique, si besoin était : le président de la République, Jacques Chirac, avait
décidé de faire du 10 mai la Journée commémorative de l'abolition de
l'esclavage en métropole : l'occasion pour la France métropolitaine d'honorer
le souvenir des esclaves et de commémorer l'abolition de l'esclavage, en 1848 en ce qui concerne notre pays.
Au-delà de l'abolition, la Journée devrait engager une réflexion générale
sur l'ensemble de la mémoire de l'esclavage, longtemps refoulée, pour la faire
entrer dans notre histoire. L'occasion aussi de s'interroger sur la façon dont
la mémoire de l'esclavage peut trouver sa juste place dans les programmes de
l'école primaire, du collège et du lycée. La volonté également de développer la
connaissance scientifique de cette tragédie. Enrichir notre savoir, c'est le
moyen d'établir la vérité et de sortir de polémiques inutiles.
La date du 10 mai correspond à l'adoption par le Parlement, le 10 mai 2001,
de la loi Taubira "reconnaissant la traite négrière transatlantique et
l'esclavage".
Question : cela intéresse-t-il notre Eglise, toute occupée qu'elle est à se regarder, et à se demander comment elle va se déconfiner... Et nous-mêmes, cela nous intéresse-t-il, nous qui sommes les esclaves modernes à présent d'un virus qui nous déporte de notre petit monde tranquille dans un univers devenu tout à coup hostile et dangereux, par-delà le traître océan de l'insouciance ? Car c'est peut-être à notre tour d'être déplacés, d'être "déportés" !
Peut-être certains ont-ils suivi, dimanche soir, sur France Ô, très tard malheureusement, à 22h40, le film "Bois d'ébène", du réalisateur sénégalais Moussa Touré ? Il y avait de quoi nous déconfiner promptement de nos petits soucis d'aujourd'hui, tout en nous invitant à ne pas enfouir dans l'oubli ce qui reste notre propre histoire. L'esclavage a cassé les reins de l'Afrique, l'humiliant et lui enlevant ses forces vives ; pourra-t-elle s'en relever un jour ? Et saurons-nous un jour lui demander pardon ? Par exemple, à titre d' "expiation des péchés de notre nation", en accueillant enfin, non comme de nouveaux esclaves, mais comme des hommes et des femmes libres, ces migrants Africains qui veulent rejoindre notre pays ?
Même s'il a été oublié d'en parler dimanche au "Jour du Seigneur", ce n'est pas une raison pour nous de ne pas y réfléchir malgré tout ! Puisse l'Afrique nous pardonner !
_________________
Pour info, le Haut Comité pour la Fraternité Humaine nous invite à vire, après-demain jeudi 14 mai, une journée de prière, de jeûne et de charité, afin que notre monde devienne plus humain et plus fraternel.
mardi 12 mai 2020
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2368 : "Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre." (Churchill)
Publié par
Olivier Gaignet
à
08:49
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1 commentaires:
Un grand Merci Olivier de nous rappeler certains passages dans l'Histoire de l'Humanité qui ne nous rendent pas fiers.
Ces périodes difficiles dans notre Histoire que sont par exemple l'esclavage, dont l'Afrique souffre encore tellement "par notre faute", ou les guerres de toutes sortes, où nous avons mis a mal des peuples, des Frères, des pays et des populations tout entières, ces périodes difficiles ont participé à ce qu'est notre Histoire aujourd'hui.
Nous portons toutes et tous J'ai Foi en l'Homme et je continue de croire que tant qu'il y aura des hommes, des femmes et des enfants sur Terre, nous aurons toujours la possibilité de voir poindre "l'Aurore" tant espérée pour faire naître un Monde de Paix et ayant le courage de se regarder en face et de voir sa Responsabilité.
Merci, Olivier, de nous rappeler ce jour l'abolition de l'esclavage mais aussi la persistance de l'esclavage qui, bien que modernisé et d'apparences nouvelles, continue malgré tout à exister dans nos pays et dans nos maisons. Aussi, je demande pardon pour tout cela !
Je me joindrai à vous jeudi 14 mai pour cette proposition de journée de jeûne, de prière et de charité pour participer à faire de ce monde un Monde de paix et de fraternité.
Merci pour Tout !
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