Je me permets de vous transmettre le texte d'une intervention que j'ai faite dimanche dernier, jour des Rameaux, à la basilique de St Laurent-sur-Sèvre, sur le thème de la liturgie de l'envoi, en fin d'eucharistie.
Je ne comptais pas la faire passer sur ce blog, vu sa longueur ; mais je le fais cependant, suite à la demande d'un certain nombre d'auditeurs.
Pour explication, chaque après-midi de dimanche de Carême avait lieu une intervention du même type, qui avait pour but d'aider à mieux découvrir chacun des temps de la messe.
vendredi 14 avril 2017
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2.051 : La Messe, et après ?
Les différentes formes de la présence du Christ dans
l’Eucharistie.
La liturgie de l’envoi
Bonjour à vous chers amis, et
bravo pour votre courage à être présents et priants en cette Basilique alors
qu’au dehors s’épanouissent les fleurs de printemps et que le soleil brille de
tous ses éclats.
C’est donc à moi qu’il revient, et
je remercie le Père Paulin et le conseil du sanctuaire pour leur confiance
(mais vous serez peut-être déçus…), c’est donc à moi qu’il revient de clore ce
cycle d’enseignement de carême, autour de la présence de Jésus, sous
différentes formes, au fil de la liturgie de la messe.
Aujourd’hui donc, la liturgie de l’envoi. Vous
allez penser : « Mais il ne va pas avoir grand-chose à dire :
Ite, Missa est, et tout est fini » ! Ça, c’est plus facile à
comprendre que le mystère de la transsubstantiation. En un mot, tout est fini,
vous pouvez circuler ! Oui mais,
attention, ce n’est pas si sûr !
1 - Quelle est la signification de la
liturgie de l’envoi ?
Reprenons la formule
traditionnelle : « Ite, missa est », formule traduite
habituellement par « Allez, la messe est dite, la messe est finie ».
Je vous mets en garde, il s’agit ici d’un contre-sens. « Missa » est
un adjectif féminin qui vient du verbe latin « mittere », qui
signifie « envoyer » (et non « terminer »). Littéralement
il faut traduire : « Ita : allez », « missa est :
elle est envoyée ». « Missa » étant au féminin, on peut dire que
cela signifie vraisemblablement : « Missa est », « l’Église
est envoyée ». Vous arrivez à suivre ?
Le problème, c’est que le
contre-sens dont je viens de parler demeure vivace dans la tête d’un certain
nombre de chrétiens pour lesquels, à la fin de la messe, tout est terminé
jusqu’au dimanche suivant.
Or, il y a un mouvement très
dynamique dans ces quelques mots, tant dans la formule latine « Ite, missa
est », « Allez, l’Église est envoyée », que dans la formule
actuelle : « Allez dans la paix du Christ ».
« Allez » en effet ne
veut pas dire : « retournez tranquillement chez vous, vous avez
accompli votre « devoir » dominical, vous êtes en règle avec le
Seigneur jusqu’à dimanche prochain ». C’est beaucoup plus que cela !
Lors de la messe, nous avons vécu un temps d’écoute de la parole, un temps de
communion avec le Christ et avec tous nos frères et, je vous renvoie aux
enseignements précédents, nous avons été regonflés, nourris, transformés. Mais
à présent, à l’appel du prêtre, ou du diacre : « Allez dans la paix
du Christ », nous sommes invités à nous disperser, à passer de ce
sanctuaire de pierres qu’est l’église, pour nous répandre dans cet autre sanctuaire qu’est l’univers.
Nous avions formé une communauté
de louange à l’église, nous allons à présent faire retentir cette louange dans
nos quartiers, dans nos familles et sur toute la terre, par notre façon de nous
comporter, de servir. En d’autres termes, lorsque nous avons quitté l’église,
nous avons quitté le Christ sous la forme de la Parole, de l’Hostie, pour le
chercher, le trouver autrement dans la vie quotidienne, et le servir à travers
les autres.
Je vais vous poser une
devinette : « Savez-vous quelle est la différence entre une messe et
un match de foot » ? Au foot, on s’entraîne pendant toute la semaine
pour ne jouer le dimanche que 90 minutes et rentrer des buts. Mais chez les
chrétiens, le dimanche, à la messe, on s’entraîne à rencontrer le Christ
pendant 60 à 70 minutes, pour jouer ensuite sur le grand terrain du Royaume de
Dieu, et rentrer des buts de fraternité pendant tout le reste de la
semaine ; soit 1 heure d’entraînement pour mieux vivre les 167 autres
heures de la semaine.
En conclusion de ce premier point,
4 précisions :
·
Les annonces, ou plutôt, la vie de la paroisse,
ne donnent pas que les heures de temps de prières dans le sanctuaire, elles
nous invitent à nous bouger pendant la semaine qui suit, à mettre en pratique
ce que nous avons découvert lors de l’eucharistie du dimanche. Par exemple,
comme cela nous a été proposé ce matin à la messe, cette semaine, à nous
demander à qui autour de nous, nous pourrions proposer de recevoir le sacrement
des malades… En un mot, nous sommes invités à ne pas garder le Christ pour
nous.
·
« Le Seigneur soit
avec vous ». Formule banale, à laquelle on peut répondre sans réfléchir. 4
fois pendant la messe elle est utilisée, elle exprime le mystère même de Jésus,
dont le prêtre vous souhaite qu’il vous accompagne, afin que vous ne demeuriez
pas seuls à vous débattre face à vos difficultés. L’Emmanuel, Dieu avec nous
jusqu’à la fin des temps.
·
« Que Dieu tout
puissant vous bénisse… ». Au moment de quitter cette terre au jour de
l’Ascension, avant d’envoyer ses disciples en mission, l’évangéliste nous dit
que Jésus, levant les mains, les bénit. Ce n’est pas le prêtre qui bénit ;
mais il demande au Seigneur de bénir les chrétiens présents, et il les marque
de la croix de Jésus.
·
« Allez dans la
paix du Christ ».
2 - Á quoi nous sommes envoyés ? Á
qui ?
A servir Dieu parmi les plus
démunis.
Renouvelés, réconfortés,
ressuscités, libérés, par cette action transformante du Christ expérimentée au cours de la messe, pourquoi
ne lutterions-nous pas pour travailler à libérer nos frères ?
Là, il nous faut faire mentir ces
remarques terribles selon lesquelles, pour Nietzsche par exemple, « au
sortir des messes, les chrétiens n’ont pas des têtes de ressuscités »,
mais plutôt parfois, comme le regrette le pape François, « des têtes de
piment au vinaigre ». Ou ce dicton
horrible selon lequel : « Ouais, ils vont à la messe, mais ils ne
sont pas meilleurs que les autres » !
Car la mission qui nous est
confiée commence dès la façon dont les paroissiens se situent les uns par
rapport aux autres, lors des fins de messe. Avec cette façon d’éviter telle
personne car on est en désaccord avec elle, de ne pas saluer telle autre qui
passe près de votre groupe, ou de dénigrer dans la liturgie telle façon de
faire, telle attitude du prêtre, d’un lecteur, de la chorale, qui nous a déplu…
Préférons le type d’échange
suivant : un dimanche après la messe un couple en lien avec des Syriens a
été invité à déjeuner chez des amis non pratiquants. Ce couple qui sortait de
la messe a partagé son souci de voir que Youssouf, malgré ses démarches à Pôle
Emploi, ne trouvait pas de travail. Leur ami dit alors : « Comment
cela se fait-il ? Je cherche un manœuvre depuis 2 mois et Pôle Emploi ne
m’a pas signalé cette demande, pourquoi » ? Dès le lendemain, le
lundi, Youssouf, accompagné de ses soutiens du Secours Catholique, est repassé
à Pôle Emploi, où il a fallu insister, mais il a eu enfin l’accord pour accéder
à ce travail. En servant Youssouf, ce couple croyant, mais aussi leur ami non
croyant, ont ensemble servi le Christ présent dans ce migrant.
J’ai cité ce geste car le conseil
du sanctuaire a souhaité que j’insiste sur le fait que la liturgie de l’envoi,
à la fin de la messe, invite bien les chrétiens à porter le souci, hors de
l’église, de rencontrer Jésus, présent dans chaque personne, particulièrement
dans celles que le monde délaisse : les pauvres, les réfugiés, les
personnes qui vivent dans la solitude, les malades. C’est le Père Joseph Wrésinsky,
fondateur d’ATD-Quart Monde, qui déclarait : « D’emblée, il faut
faire la jonction entre le Christ et les pauvres, car ils ne font qu’un ».
Certains vont peut-être
s’exclamer : « Mais là, on est loin de la messe, de la liturgie dont
il devait être question »… Ce serait oublier le lien fondamental entre
l’acte liturgique de l’eucharistie, et l’acte liturgique du lavement des pieds
au cœur de la liturgie du jeudi saint. Et ce à quoi le chrétien est appelé,
c’est à vivre une existence eucharistique à travers toute sa vie. La place de
l’Église en effet, la place du chrétien, c’est d’être à genoux aux pieds du
monde, et particulièrement devant les plus pauvres, qui sont comme les icônes
du Christ.
Dans le journal « La
Croix » du 30 mars, un supérieur de séminaire du Sri Lanka
déclarait : « Je constate que la nouvelle génération de prêtres vient
chercher une vie facile et confortable, au milieu d’un peuple pauvre et
éprouvé, alors que, ajoute-t-il, nous devons prendre des risques, et nous
confronter aux dangers du monde. »
Le diocèse de Rennes vient de
lancer un synode avec 4 axes principaux, dont la place à donner aux plus
pauvres, à tous ceux qu’on ne voit pas dans nos églises : les réfugiés,
les homosexuels, les isolés, etc… En reprenant cet appel du prophète Isaïe :
« Tu partageras ton pain avec celui
qui a faim (épicerie solidaire), tu
accueilleras chez toi les pauvres sans abri (migrants), tu vêtiras celui que tu vois nu, tu ne te déroberas pas à ton
semblable, car il est ta propre chair » (Isaïe 58,7).
« Tu vêtiras celui qui est
nu ». Le Père de Montfort, avant d’être prêtre, lorsqu’il faisait ses
études, fit une quête dans sa classe pour que l’on puisse fournir un costume à
un jeune de la classe dont les habits étaient en loques.
Pour illustrer ce qui est demandé
au sortir de la messe, dans une attention particulière aux plus démunis, pas de
meilleur exemple que la façon dont se comportait le Père de Montfort, dont
toute la vie a consisté à se soucier des plus démunis. Ce n’était pas là pour
lui un choix politique, mais un choix évangélique. En eux, il reconnaissait et
honorait le Christ. Et il y avait, dans sa spiritualité, un grand équilibre,
une belle complémentarité entre la messe et la vie.
L’on s’attriste parfois de ne pas
voir nos églises pleines lors des eucharisties. Mais ne perdons pas nos
énergies à nous lamenter, avec des « têtes de piment au vinaigre ».
Rendons plutôt grâce à Dieu pour tous ces chrétiens qui mènent une existence
eucharistique à travers toute leur vie, c’est-à-dire, une existence imprégnée
du mystère sauveur de Jésus.
Je pourrais citer de nombreux exemples de la façon dont chez nous, des
chrétiens se mettent à genoux devant les plus démunis comme devant le Christ en
lui :
·
L’hospitalité montfortaine,
·
Les visites des malades
et des personnes âgées à l’EHPAD Sagesse, à la maison de retraite Montfort, à
l’hôpital Saint-Alexandre, dans les quartiers…
·
Le transport solidaire,
·
L’alphabétisation,
·
L’action de l’ACAT,
·
L’épicerie solidaire
·
L’accueil d’un enfant
handicapé dans l’école Saint-Léger,
·
Les invitations à des
repas (Noël, fêtes…)
Cette révélation, selon laquelle
Dieu est présent dans les plus petits, les plus pauvres, qui court à travers
tout l’Évangile, elle va, il est vrai, à contre-courant de notre inclination à
aller vers ce qui brille, ce qui est riche et puissant ; c’est une vérité
contrariante pour certaines figures en politique, mais aussi, pour nous
chrétiens.
Or, si l’on souhaite vraiment
trouver le Christ, c’est bien le plus exclu, le plus rejeté, le pauvre Lazare
de l’Évangile que personne ne songe à visiter ou à inviter, qu’il faut
rechercher.
D’ailleurs je vais vous faire une
confidence : s’occuper des autres, c’est s’occuper de soi, ou plus
exactement, permettre au Seigneur de se révéler en soi et, à travers notre
petite personne, de faire rayonner sa lumière. Comme si c’était Dieu en
personne qui agissait alors, à travers les hommes et les femmes de bonne
volonté.
Oui, je viens de parler des hommes
et des femmes de bonne volonté, et pas seulement des chrétiens. Car l’un des
miracles de l’eucharistie, c’est que, à travers le salut célébré, c’est non
seulement nous, mais le monde entier qui est transfiguré. Si bien qu’il ne faut
pas s’étonner de voir de nombreux non pratiquants très actifs dans le Secours
Catholique, par exemple.
Ne nous plaignons pas qu’ils ne
soient pas à la messe, mais c’est grâce à notre propre participation à la
messe, à notre prière, faite en leur nom, qu’ils trouvent peut-être la force de
servir le plus petit comme le ferait Jésus. Chacun devenant alors comme le
disait Isaïe « lumière de midi » : « Si tu partages ton bien, ta lumière alors se lèvera dans les ténèbres,
et tes nuits deviendront lumière de midi » (Isaïe 58, 9-10).
Pratique cultuelle, pratique
évangélique : les deux temps de la respiration du chrétien.
Et puisqu’on est en période de
réflexion par rapport aux grands choix à prendre pour l’avenir de notre pays,
de l’Europe et du monde, donnons-nous toujours plus de temps pour prier, pour
contempler l’action du Christ lavant les pieds de ses disciples, et puisons
dans son exemple la route à suivre, les choix à faire, pour que le sacrifice
eucharistique porte en nous de beaux fruits tout au long de la semaine qui
suit.
C’est notre vie qui nourrit notre
prière eucharistique et vice-versa :
·
Quand on se rassemble à l’église, c’est un appel
à vivre davantage dans une belle relation entre nous hors de l’église.
·
Quand on se reconnait
pécheur, il ne s’agit pas seulement de chanter un beau cantique de pardon, ni
d’accomplir un rite formel : on reconnait telle faiblesse précise commise
dans la semaine.
·
Chanter « Gloire à
Dieu », c’est s’habituer à chanter « Gloire à Dieu » aussi dans
la semaine pour tout ce que l’on voit de beau autour de nous.
·
Écouter une lecture,
comme le lavement des pieds, c’est trouver en Jésus la force ensuite de laver
les pieds, de servir comme lui.
·
L’offertoire : un
temps mort ? Un moment où l’on chante un beau chant ? Attention,
n’oublions pas le sens de l’offertoire : apporter notre vie, la vie du
monde, les présenter au Seigneur.
·
La prière
eucharistique : on se rappelle chaque fois que ce n’est pas la mort qui a
le dernier mot ; c’est utile pour notre propre vie, pour aider les
familles endeuillées ; par rapport aux élections, notre pays ne court pas
vers sa mort. C’est l’Amour qui aura le dernier mot !
Tout cela c’est la respiration de
l’Église ; à la messe, on aspire la force de Dieu, on s’y remplit les
poumons de sa présence et de son amour ; puis, par nos attitudes et nos
paroles , dans notre vie ensuite, l’on peut répandre ensuite ce souffle
mystérieux et plein de l’oxygène du ciel, autour de nous.
Et le dernier mot de la messe, ce
n’est pas « Amen », car cette respiration ne s’arrête jamais, si on
se laisse sans cesse oxygéner et ventiler le cœur par le Seigneur.
Père Olivier
GAIGNET,
Curé
de Montfort-sur-Sèvre
Publié par
Olivier Gaignet
à
10:04
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