Dimanche dernier, plusieurs paroissiens m'ont demandé le texte de l'homélie que j'avais donnée lors de la messe à la Basilique de Saint Laurent-sur-Sèvre, à propos des récents événements. Parmi eux, et c'est ce qui m'a le plus touché, des jeunes qui ne vont pas souvent à l'église, mais qui étaient là car la messe était pour leur papa ; ils ont dit qu'ils aimeraient pouvoir la relire, et que d'autres de leurs amis, qui n'étaient pas à la messe, la voudraient aussi. Je me permets de vous la transmettre, même si cela reste bien modeste par rapport à tant d'autres réflexions qui ont été exprimées de toute part. Pardon aux habitués de ce blog, car cela recoupe en partie le billet du 14 novembre dernier.
Homélie du 15 novembre 2015 à St Laurent s/ Sèvre
mercredi 18 novembre 2015
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 1.885 : Comment se situer, face à l'impensable ?
En fonction
du drame qui vient de toucher notre pays, elle semble presque actuelle,
cette parole de Marc : « Après une grande détresse, les étoiles
tomberont du ciel et les puissances célestes seront ébranlées. »
Mais qu’est ce qui nous arrive ? Jacques Attali a écrit
que le 20ème siècle avait été
le siècle du diable. En sera-t-il donc de même du 21ème ? La barbarie ne finira-t-elle jamais ?
On
avait cru que notre monde allait
progresser, que peuples et religions allaient enfin s’entendre. Sommes-nous
tous condamnés à vivre l’Enfer infiniment, comme en Syrie ou à Beyrouth ?
Mais alors, à
quoi servent toutes nos messes et nos prières, si Dieu lui-même ne peut
empêcher que, tout près de chez nous, des centaines de jeunes soient massacrés de façon si injuste ?
Où est-il caché ? Est-il
mort ?
Vous avez appris le décès cette semaine, du philosophe André
Glucksmann. Dans un de ses ouvrages, il explique les trois morts de Dieu :
Dieu est mort une première fois sur la croix ; puis les philosophes de la
mort de Dieu, Marx, Nietzsche et autres, l’ont tué également ; la 3ème
mort de Dieu, c’est lorsqu’on l’assassine, lorsqu’on le crucifie de nouveau,
lors de la Shoah particulièrement, mais aussi dans toutes les tragédies de l’histoire, à travers ses enfants, comme
vendredi soir à Paris, avant-hier jeudi à Beyrouth, etc…
Plutôt que d’accuser Dieu donc, et de
prétendre qu’il n’est pas « croyable », ne faudrait-il pas plutôt
dire que c’est notre monde qui n’est pas crédible, avec ses logiques de guerre,
d’oppression, de misère, qui condamnent l’homme à la mort ?
Dieu, au contraire, conteste ces logiques,
qui tournent le dos à l’Evangile. On dit que Dieu n’est pas là, mais c’est sans
doute qu’on ne sait pas le voir ;
il nous faut donc apprendre à reconnaître son visage, à travers les
prophètes qu’il nous envoie, et à travers ce qu’il nous dit et nous indique de
faire, par leur intermédiaire.
Et je ne parle pas seulement du pape
François ! Car si François est un exemple de prophète et nous entraîne à
servir nos frères, il n’est pas le seul à la manœuvre ! Et les prophètes d’aujourd’hui se nomment
Secours Catholique – j’en parle parce que c’est aujourd’hui leur Journée
nationale – mais aussi CCFD, SEM
(Service Evangélique des Malades), Accompagnement des familles en deuil, ACAT
(Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), etc… Et encore, je n’ai pas parlé des mouvements
d’Action catholique, et je ne cite ici que quelques organismes d’Eglise, car
innombrables sont les prophètes au milieu de nous aujourd’hui, qui nous
indiquent le chemin d’un monde plus fraternel !
Entre parenthèses, ces prophètes nous
rappellent qu’il ne nous suffit pas de supprimer les brebis galeuses, comme ces
kamikazes qui nous terrorisent, mais que l’enjeu est bien de supprimer les
causes de la gale. Et là-dessus, notre
société aurait beaucoup à apprendre !
Le Secours Catholique en sait quelque
chose, qui lutte contre les causes de la pauvreté, à travers ses ateliers
d’alphabétisation de personnes arrivées d’autres pays par exemple, comme je le
vois faire chaque semaine dans les salles paroissiales de Mortagne.
Le rôle des chrétiens, en effet, quel
est-il ? C’est, pour reprendre l’image utilisée par Jésus dans l’évangile
de ce dimanche, de ne pas laisser crever le figuier ; ce figuier dont la
sortie des feuilles symbolise alors que de beaux fruits vont pouvoir être
savourés, malgré la dureté des hivers et la difficulté des temps.
Le destin de l’humanité en effet, c’est de
lutter contre sa destruction. Et notre rôle de chrétiens, c’est de combattre le
mal de toutes nos forces, et sur tous les plans. Et peut-être en priorité par la prière ;
c’est d’ailleurs pour cela que nous sommes venus participer à l’eucharistie ce
matin. Ce qui manque à notre société en
effet, c’est peut-être d’accepter de se laisser transformer de l’intérieur par
notre Père commun, et de chercher à s’en sortir par ses propres forces, en
écartant Dieu de la solution.
Et si nous avons un examen de conscience à
réaliser au cours de cette eucharistie, c’est peut-être de nous demander, à la
lumière de l’Esprit, ce qu’il nous faut faire bouger en nous pour que nous
devenions des artisans de la Pâque du
monde ; c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de faire passer
notre famille, notre école, notre quartier, notre monde, nos associations et
autres, de la mort à la Vie.
La mort, d’abord, il nous faut la regarder
en face, afin de ne pas nous laisser surprendre par elle ; nous aurions pu
nous trouver au Bataclan en effet, ou sur les trottoirs de Paris... Et même si,
dans nos régions, nous pouvons nous croire relativement préservés, c’est
peut-être l’occasion pour nous de lâcher prise, de nous rappeler que nous
sommes mortels, et de nous remettre en confiance dans la main de Dieu, sans
attendre qu’il soit trop tard pour y
penser.
Un fait, en terminant : avant-hier soir,
j’ai vu un prophète au journal télévisé de 20 heures. Vous avez sans doute
appris qu’un attentat a fait, jeudi dernier, 45 morts à Beyrouth et 239 blessés. Cinq lignes seulement dans
« Ouest-France » malheureusement, car nous sommes plus sensibles aux
morts de « chez nous »… Mais il aurait pu y en avoir beaucoup plus si
un Libanais, ayant repéré un terroriste qui voulait se faire exploser dans une
mosquée bondée, ne s’était jeté sur lui
juste devant la porte, sacrifiant sa vie pour sauver de la mort de nombreux
musulmans en prière dans cette mosquée.
J’ai apprécié que la télévision, d’habitude toujours si pressée, présente la photo de cet homme, sauveur de
l’humanité, et prenne le temps de valoriser
ce sacrifice !
Quelle illustration étonnante, de la part
de ce musulman libanais, de ce passage de la deuxième lecture de ce jour, quand
l’auteur de la lettre aux Hébreux écrit : « Jésus, par son
sacrifice, a placé ses ennemis sous ses pieds » ; de la même façon,
cet homme, par son sacrifice, a placé la mort sous son propre corps, afin que
puissent vivre ses frères en religion, et pour qu’ils puissent prier le Dieu
unique. La télé elle-même a su en témoigner !
Puissions-nous, de la même façon, tordre le
cou au mal en tout temps et laisser Dieu faire de nous des prophètes du salut
du monde ! Amen
Publié par
Olivier Gaignet
à
18:54
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