Parmi mes souvenirs les plus anciens, je me revois, assis sur les genoux de ce prisonnier allemand qui avait été "alloué" à papa pour travailler à la ferme comme ouvrier agricole, après la guerre de 39-45. Je n'avais pas du tout conscience, à l'époque, que cet homme blond, si délicat, avait pu être un ennemi. Et personne, dans la famille, alors, ne me l'a expliqué, ni ne m'a dit de me méfier de lui. Ce n'est que plus tard, bien sûr, que j'ai réalisé ce qui s'était passé ! En tout cas, il déjeunait à table avec nous, et j'avais l'impression que mon père et lui s'entendaient bien. Mon père m'a avoué, plus tard, s'être méfié de lui, mais ne l'avoir jamais laissé paraître ; puis, peu à peu, une certaine confiance s'est établie. Ce prisonnier était lui-même un paysan dans son pays, ce qui a facilité le rapprochement. Le samedi après-midi, moment de repos pour les prisonniers présents sur les fermes de la commune, ils allaient se laver dans la Vendée toute proche, tout nus ; nous les enfants, nous les regardions faire avec étonnement, jusqu'à ce que les mamans viennent nous tirer par la main en nous disant qu'il ne fallait pas regarder !
Je repense à cela à l'occasion de l'anniversaire de la signature du traité d'amitié signé le 22 janvier 1963 entre la France et l'Allemagne. Moins de quinze ans après, je me souviens encore de cet échange avec des universitaires maliens me demandant de leur expliquer comment se passait notre relation entre missionnaires français et allemands au Mali. Je vivais en effet avec plusieurs Pères Blancs allemands. "Comment vous faites pour les supporter, après tout ce qu'ils vous ont fait subir pendant la dernière guerre ?" Ou encore : "Vous êtes forcé d'habiter avec eux ? Ca ne vous dégoûte pas ?" Autre question : "Vous ont-ils au moins demandé pardon pour tout ce qu'ils vous ont fait ?" Mais l'essentiel était résumé par ce constat : "On a l'impression que vous vous entendez bien. On ne comprend pas bien ; mais si on pouvait en faire autant entre nous au Mali ! Ca nous sert un peu d'exemple..." (Traduisez : avec les Touaregs du Nord du pays par exemple, ou les Songhaï...)
Quant à moi, je remercie mes parents de ne m'avoir jamais rien dit de négatif, en 45-46, sur les Allemands, et les Pères Blancs de m'avoir donné la chance de vivre la vie missionnaire au coude à coude avec des Allemands !
mardi 22 janvier 2013
Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 1.611 : Les Allemands sont nos frères
Publié par
Olivier Gaignet
à
08:18
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