Il m'est arrivé un certain nombre de fois, dans ma vie d'homme et de prêtre, de devoir accompagner des familles en grande souffrance. Par exemple, quand vous devez enterrer une jeune mère de famille partie trop tôt, ou un enfant de 7 ans mort d'une leucémie. Parler alors devant ce petit cercueil, c'est absurde ! Quand on est prêtre, que dites-vous ? Que voulez-vous dire ? Parler de la consolation, du bon Dieu, de la place d'un disparu près de Dieu, auprès des anges ? La question n'est pas de savoir si c'est intelligent ou non ; c'est tout simplement inaudible, et on a envie de se taire ! On en dit le moins possible ! Récemment, une femme me disait que, lors d'un deuil difficile, un membre de son entourage lui avait dit : "Oh, vous, vous êtes un couple solide ; vous vous en sortirez." Cela l'a révoltée. Pas facile de consoler quelqu'un ! Mais peut-être que, pour ceux qui souffrent, ne pas vouloir être consolé, c'est une manière de ne pas oublier la mort de l'être aimé ?
J'aime bien ce que dit la psychologue Marie de Hennezel à ce sujet : "J'ai compris qu'on ne sait pas toujours comment apaiser l'autre, mais l'essentiel est d'être là, simplement présent. Certaines personnes vous accueillent, réclament une consolation, mais vous vous sentez alors jeté dans un désespoir si profond que vous ne savez pas quoi faire ni quoi dire. Je l'ai vécu très fréquemment. Ce n'est pas une raison pour ne pas être là. Il faut savoir être présent au coeur de la détresse de l'autre. Etre ensemble dans l'impuissance fait du bien. Parce que l'autre a, aussi, traversé des abîmes de chagrin dans lesquels personne ne peut l'aider."
Dans de tels moments en effet, le devoir du prêtre, de l'ami, c'est de reconnaître que cette souffrance est inconsolable. Ne surtout plus dire : "Dieu avait ses raisons de rappeler à lui votre enfant..." Non ! Il n'y a pas lieu de rechercher des excuses à Dieu. Il est seulement question de dire à ces personnes que ce qu'ils sont en train de vivre, que la colère qu'ils ressentent est légitime, que leur douleur est unique.
Eviter aussi cette erreur que l'on commet trop souvent, et qui consiste à se mettre à raconter ce qu'on a vécu de semblable : dire qu'on a vécu la même chose reviendrait à banaliser la souffrance de l'autre en effet, et il n'y a rien de plus déplaisant que d'entendre les autres vous raconter leurs problèmes au moment où vous-même, vous souffrez profondément : nous en avons tous fait l'expérience ! Quand on perd un enfant, un parent ou un conjoint, la relation d'amour que l'on avait avec eux doit être reconnue comme unique et irremplaçable, et on a besoin de l'entendre. La consolation commence par cela. Après avoir demandé l'aide de l'Esprit-Saint au fond de nous-mêmes, on offre une parole de soutien. C'est comme un cadeau fragile que l'on vient offrir alors. Tant pis si c'est un peu maladroit ! L'essentiel, c'est d'être là, simplement présent, même si c'est silencieusement.
Ainsi que nous le rappelle l'évangile de ce jeudi, en de telles circonstances, sachons nous appuyer sur Dieu plus que sur nous-mêmes : "En effet, celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, car Dieu lui donne l'Esprit sans compter." (Jean 3/34)
jeudi 19 avril 2012
Le Blog du Curé de Fontenay-le-Comte n° 1.421 : Face à un abîme de chagrin ?
Publié par
Olivier Gaignet
à
07:44
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