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Vous avez des choses à dire...
Vous vous posez des questions, pour donner un sens à votre vie...
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...Alors, en réponse à vos attentes, Olivier Gaignet vous propose de vous exprimer librement.
Ici, tout pourra être dit dans les limites de la courtoisie et du respect mutuel.

Merci d'avance de votre participation.


Depuis novembre 2007, Olivier Gaignet partage sur son blog ses réflexions sur Dieu et sur l’Eglise. bien sûr,
mais aussi sur la marche du monde. Il nous invite à réfléchir à des thèmes aussi essentiels que : notre société, les autres religions,
la télé, la politique, l’art, sans oublier ses propres paroissiens.
Les billets des cinq premières années (de novembre 2007 à septembre 2012 )ne figurent plus sur ce blog. Pour les consulter, se référer aux cinq volumes intitulés: "Ma paroisse.com", que vous pouvez vous procurer en envoyant un mail à : olivier.gaignet@yahoo.fr



samedi 16 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2927 : Prier sur un banc, face à la mer, au milieu du peuple de Dieu

 J'ai coutume de dire que, là où j'habite  -  oh, le chanceux, à 100 m de la mer  -  c'est "mon petit ermitage" ; là où je vis tranquillement désormais, en savourant profondément chacune de mes journées, dans l'action de grâce, la prière pour le monde et pour la paix.  Je ne peux plus faire grand chose désormais, un rien me fatigue ; mais rien ne me manque pourtant, et je suis comblé.  J'ai encore un énorme caillot dans le coeur, difficile à éliminer, le coeur très abîmé puisque inopérable l'an passé, mon insuffisance cardiaque ne cesse de s'amplifier, j'ai perdu 15 kgs depuis un an, grosses insomnies,  j'ai dû abandonner toutes mes responsabilités et toute activité pastorale, mais je suis toujours vivant. De quoi vais-je donc me lamenter ?  Je serai peut-être mort demain, avec toutes ces épées de Damoclès... Donc, profitons de la vie encore aujourd'hui !  Il ne me reste plus que la prière ; mais si celle-ci peut aider d'autres frères et soeurs à relever la tête, merci Seigneur !

Et j'ai le privilège de pouvoir prier dans ce qui représente pour moi une immense chapelle, le port de Bourgenay. Pas besoin de préparer une prière universelle, il suffit d'écouter les gens. Je viens encore d'en faire l'expérience samedi. Assis sur un banc face à la mer, tandis que j'allais me lancer dans mes méditations personnelles, impossible de me boucher les oreilles vis-à-vis du flot de réflexions partagées par les personnes défilant sans cesse juste derrière mon banc.

Et chaque couple, ou groupe, d'y aller de ses soucis et de ses misères. Au vol, en ce jour, j'ai retenu ces quelques réflexions parmi tant d'autres ; parfois seulement quelques mots, lorsque les gens passaient à ma hauteur : "Jacques est gravement malade ; quand est-ce qu'on pourra aller le voir ?"  "Il faut que je mette de l'ordre dans mon garage, et que j'enlève la poussière, ça m'énerve de voir les choses en un tel état."  "Pour la déclaration d'impôts, est-ce qu'il faudra inclure... ?"  "Pour les vacances, il faudrait qu'on s'organise avec... ?"  "La grand-mère s'est suicidée,   (oui, j'ai vraiment entendu ça)  alors, ils se sont partagé...?"  Etc.

De quoi donc nourrir ma prière, tout simplement !  Et si j'étais là pour ça ?  Et si c'était cela, ma mission ?  A moi qui n'ai pas encore tout à fait digéré le fait de ne plus avoir presque aucun rôle pastoral (visible) désormais ?  Aucune de ces personnes n'a su qu'un prêtre  -  c'aurait pu être un laïc  -  priait pour eux, quand ils pérégrinaient derrière moi en se confiant leurs soucis mutuellement.  Quant à moi, j'ose imaginer que Dieu a peut-être entendu ma pauvre et petite prière, lui qui était déjà présent, invisiblement, au coeur de la vie de ces gens.

Merci Seigneur pour la longue procession de tous ces hommes et ces femmes qui cheminent au coeur de ce monde, en recherche de bonheur, de fraternité et de paix !

Je t'ai reconnu, Seigneur !  Ils n'étaient pas seuls !  Tu marchais avec eux, au milieu d'eux,  comme un bon pasteur les guidant invisiblement vers le Salut !

vendredi 15 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2926 : Une Malienne pour ouvrir les Jeux Olympiques ?

 Je ne sais pas si vous allez porter un grand intérêt aux Jeux Olympiques, ni si vous avez entendu parler d'Aya Nakamura ?  Décidément, on parle bien de tout sur ce blog !  Eh bien, si vous n'étiez pas au courant, j'ai l'honneur de vous apprendre que c'est une femme née à Bamako, au Mali, qu'Emmanuel Macron aurait sollicitée pour chanter des titres d'Edith Piaf à la cérémonie d'ouverture des JO, le 26 juillet, à Paris.

Cela a surpris tout le monde !  Aya Nakamura,  née en 1995 à Bamako, a grandi ensuite à Aulnay-sous-Bois. "Victoire de la musique" féminine en 2024, Aya est l'artiste francophone la plus écoutée au monde, trois fois plus que Michel Sardou par exemple, et bien plus que Patrick Bruel et compagnie.

Personnellement, quelles que soient les paroles de ses chansons, j'apprécie énormément le style, la musique, les sonorités, la dynamique de ses chansons ; ce qui me rappelle ce que j'ai eu tant de plaisir à écouter durant mes 9 années passées au Mali, ce pays où la chanson et la musique tiennent une place si importante.

Cette chanteuse franco-malienne de 28 ans symbolise bien la réalité multiculturelle de la jeunesse française actuelle. Et elle devrait être bien acceptée par les sportifs et accompagnateurs, sans parler des spectateurs des JO, tous représentant justement le monde entier.

En effet, Aya est la seule artiste française à figurer dans les hit-parades de 46 pays, et ses chansons font le tour du monde !  Qui dit mieux ?  Son album, "Nakamura", a dépassé le milliard d'écoutes !

Olivier Cachin a rappelé, sur BFM-TV, que "Aya est l'équivalent de ce qu'était Edith Piaf il y a 60 ans, c'est-à-dire, la chanteuse française la plus populaire à l'étranger." C'est peut-être pour cette raison que le président a pensé à elle pour les JO !

Par contre, et il fallait s'y attendre, le nom de Aya a été hué le 10 mars lors d'un meeting de "Reconquête", d'Eric Zemmour. Tandis que nombre de propos haineux la ciblent sur internet, sous prétexte qu'elle ne chanterait pas en "bon français".  La ministre de la culture, Rachida Dati, a pris sa défense : "S'attaquer à une artiste pour ce qu'elle est, c'est inacceptable, c'est un délit."

A l'inverse, le 12 mars à Paris, Aya a eu droit à une salve d'applaudissements de la part des professionnels de la musique réunis par le Syndicat national de l'édition phonographique, suite aux propos de leur directeur, Alexandre Lasch : "Aya Nakamura est une grande artiste, ambassadrice de la musique française, et les polémiques indignes du moment n'y changeront rien."

Quand est-ce qu'un certain nombre de Français soit-disant "de souche" (?) accepteront les personnes qui arrivent d'ailleurs comme des frères ?

dimanche 10 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2925 : Comment prient les Musulmans ?

 A l'occasion de l'ouverture du Ramadan qui débute en ce 10 mars, et alors que bien peu de chrétiens connaissent les belles prières que propose le Coran, je vous en joins quelques-unes, extraites du Coran, qui pourront nous aider à mieux comprendre, ou même nous unir, à nos frères et soeurs de l'Islam, si nous les apercevons en train de prier, à la télé ou dans nos rues.

Sourate 2, verset 104  :  "Ô vous qui croyez, ne dites pas au Seigneur :  "Favorise-nous" !  Mais dites : "Regarde-nous !"

    id           v. 186  :  "Je suis proche, en vérité, je répons à l'appel de celui qui m'invoque quand il m'invoque.  Qu'ils répondent donc à mon appel, qu'ils croient en moiAlors, ils seront bien dirigés.

   id           v. 286  :  "Notre Seigneur, ne ne nous charge pas de ce que nous ne pouvons porter !  Efface nos fautes !  Pardonne-nous !  Fais-nous miséricorde !"

Sourate 6, v.160  :  "Celui qui se présentera avec une bonne action recevra en récompense dix fois autant. Celui qui se présentera avec une mauvaise action ne sera rétribué que par quelque chose d'équivalent.  Personne ne sera lésé."

Sourate 8, versets 2 à 4  :  "Seuls sont vraiment croyants ceux dont les coeurs frémissent à la mention du Nom de Dieu (...), ceux qui s'acquittent de la prière, ceux qui donnent en aumône une partie des biens que nous leur avons accordés."

Sourate 23, v. 1 et 2  :  "Heureux les croyants qui sont humbles dans leurs prières."

   id                 v. 62   :  "Nous n'imposons à chaque homme que ce qu'il peut porter."

Sourate 24, v. 55  :  "Dieu a promis à ceux d'entre vous qui croient et qui accomplissent des oeuvres bonnes, d'en faire ses lieutenants sur la terre (...)  et de changer, ensuite, leur inquiétude en sécurité."

Sourate 33, v. 3, 5, 41-44  :  "Confie-toi à Dieu, Dieu suffit comme protecteur.  Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux.  Ô vous qui croyez, invoquez souvent le nom de Dieu !  Louez-le matin et soir !  C'est lui qui étend sa bénédiction sur vous pour vous faire sortir des ténèbres vers la lumière.  La salutation qui les accueillera le Jour où ils le rencontreront sera : "Paix !" Il leur a préparé une généreuse récompense."  

Sourate 59, v. 23 et 24  :  "Il est Dieu !  Il n'y a de Dieu que lui !  Il est le Roi, le Saint, la Paix, le Vigilant, le Tout-Puissant, le Très-Fort, le Très-Grand.  Gloire à Dieu !  Les Noms les plus beaux lui appartiennent.  Ce qui est dans les cieux et sur la terre célèbre ses louanges."

Sourate 93, v. 1 à 11  :  "Par la clarté du jour, par la nuit quand elle s'étend, ton Seigneur ne t'a ni abandonné ni haï.  Oui, la vie future est meilleure pour toi que celle-ci. Ton Seigneur t'accordera bientôt ses dons, et tu seras satisfait.  Ne t'a-t-il pas trouvé orphelin et il t'a procuré un refuge.  Il t'a trouvé errant et il t'a guidé.  Il t'a trouvé pauvre et il t'a enrichi. Quant à l'orphelin, ne le brime pas.  Quant au mendiant, ne le repousse pas.  Quant  aux bienfaits de ton Seigneur, raconte-les."

Sourate 107, v. 4 à 7  :  "Malheur à ceux qui prient, tout en étant négligents dans leurs prières ;  ils sont remplis d'ostentation et ils se refusent à procurer aux hommes le nécessaire."

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Il y a dans le Coran des centaines de réflexions et d'invitations à la prière du même genre.  Si vous vous donnez le temps de feuilleter un Coran, vous trouverez presque à chaque page des sourates du même type. C'est pourquoi le Coran est un Livre Saint aux yeux des Musulmans.  D'ailleurs, ainsi que le disait le P. Christian de Chergé : "A travers les Musulmans, Dieu peut nous transmettre un message de vie qui peut nous aider à mieux vivre notre foi chrétienne."

Selon Tarik Abou Nour, imam à Athis-Mons (Essonne) : "La prière est l'épine dorsale de l'islam."

Ne manquez pas les pages 14 et 15 à propos du Ramadan sur le journal "La Croix" du vendredi 8 mars 2024.

Vous pouvez aussi vous référer au billet n° 2350 que j'avais écrit sur le même thème le 25 avril 2020.

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Tous les ans, les évêques catholiques envoient un message de soutien aux musulmans de France pour le ramadan. Ce 31 mars, Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille et président du Conseil pour les relations interreligieuses et les nouveaux courants religieux au sein de la Conférence des évêques de France, a tenu à exprimer ses meilleurs voeux aux musulmans à l’occasion du ramadan.

« En ce mois de jeûne, de prière et d’aumône dans lequel vous vous engagez, (…) je vous propose de nous stimuler mutuellement à mieux plaire à Dieu en servant nos frères et sœurs en humanité, et tout spécialement ces enfants, ces mères, ces personnes âgées, qui ont dû prendre le chemin de l’exil, par suite de la destruction de leurs villes et villages, non seulement en Ukraine, mais dans de nombreuses autres régions du monde. »


samedi 9 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2924 : La place des femmes dans l'Eglise catholique, d'après l'archevêque d'Alger

 Je vous transmets ce que je viens de recevoir de la part de Jean-Pierre, un ami diacre au service du diocèse de Nantes  :

Bonjour Olivier,

Depuis 7 ans, j'entretiens des liens amicaux avec Jean-Paul Vesco, l'actuel archevêque de Alger. Il vient de publier une réflexion sur la synodalité, la place des femmes dans l'Eglise catholique... Son propos publié dans "l'Osservatore Romano" a sans doute irrité certains membres de la curie, mais je sais qu'il a une excellente relation avec le Pape François.
Jean-Paul Vesco m'autorise à publier sa réflexion et je ne m'en prive pas, donc tu vas en être bénéficiaire.
Une bonne bouffée d'air qui fait du bien.
Fraternellement.
Jean-Pierre Biraud
 

L’Église catholique a-t-elle un problème avec les femmes?

La formulation de la question est un peu provocatrice, mais oui l'Eglise a depuis des siècles un problème avec les femmes, comme d'une façon générale les deux autres monothéismes et peut-être la plupart des religions. Cela ne vaut pas excuse, il aurait été tellement bon et légitime qu'il en fut différemment pour le christianisme depuis les origines! A quelques heureuses exceptions récentes près, les femmes sont absentes de la gouvernance et du commentaire de la parole de Dieu lors de la célébration dominicale, alors qu’elles sont présentes partout ailleurs. Elles sont la chair des paroisses, elles sont souvent l'âme des églises domestiques que sont les familles et ce sont encore elles qui, la plupart du temps, s'occupent du catéchisme.

Dans notre représentation, l'Eglise est par définition atemporelle, une Église patriarcale hors des courants, des modes et des outrages du temps. Or, en l'absence d'une implication beaucoup plus forte des femmes dans des fonctions de responsabilité et de visibilité, notre Eglise court paradoxalement le risque de devenir une Église démodée, non pas atemporelle mais anachronique et dépassée dans son organisation. L’Église catholique, c'est-à-dire universelle, si elle n'est pas du monde est bien inscrite dans le monde et elle ne peut pas se réfugier dans une logique de niche auto référencée par rapport au monde.

La question des responsabilités des laïcs et donc aussi des femmes a été largement soulevée lors des consultations qui ont précédé le synode : aujourd’hui le problème saute aux yeux. La guerre des enfants de choeur qui voudrait qu’il n’y ait que des garçons autour de l’autel comme cela se voit en certains endroits, ne passe plus. Dans les dicastères du Vatican où les femmes commencent à être plus nombreuses qu’autrefois, et où elles occupent de plus hautes responsabilités, l’atmosphère est radicalement différente. Il suffit de quelques femmes pour que, déjà, la curie ne soit plus cet entre soi clérical malheureusement si facilement stigmatisable.

On dit souvent qu’il serait aujourd’hui impossible de réunir un concile au niveau de l’Église universelle en raison de la difficulté matérielle à rassembler plus de 5000 évêques. Mais là n'est plus la question. L’image de la salle Paul VI, pendant le synode, avec des cardinaux, des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs, hommes et femmes, autour des tables sur un même plan manifeste un basculement d’époque, la prise de conscience qu’il est devenu impossible de décider seulement entre évêques. D'une certaine manière, le synode sur la synodalité a très naturellement rendu obsolète la perspective d'un concile Vatican III! Qui pourrait aujourd'hui imaginer que l'avenir de l'Eglise puisse se discerner dans une assemblée d'évêques seulement?

Quelle est la place des femmes dans la gouvernance du diocèse d’Alger?

Dans notre diocèse, j'ai voulu m'entourer d'une équipe restreinte en plus des différents conseils. Elle est composée des principaux responsables qui forment la curie diocésaine: vicaire général, secrétaire générale, économe, économe-adjointe, responsable de la diaconie et moi-même. Il se trouve que cela forme une équipe composée de quatre femmes et deux hommes. La plupart des décisions sont réfléchies ensemble. D'une façon plus générale, je vis dans un environnement essentiellement féminin et c’est du bonheur au quotidien! Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’accrochages. Un jour, l’une d’elles m’a lancé: “ à la fin, de toutes façons, c’est toi qui décides !”. C’est vrai, et c'est une vraie question. Dans notre Eglise catholique, les décisions sont assumées par l'évêque qui les incarne. Le modèle peut sans doute évoluer. A ce titre les modèles de gouvernance dans la vie religieuse peuvent être inspirants: beaucoup de décisions sont prises par des chapitres ou des conseils élus, et les limitations au pouvoir de décision des supérieurs ne retirent rien à leur pouvoir symbolique. Cela dit, il me semble que dans la plupart des cas, la confiance qui nait de la connaissance mutuelle et de la poursuite d'un projet commun, fait que la plus grande partie des décisions font l'objet d'un large consensus quand ce n'est pas l'unanimité. En dans tous les cas, les avis de chacun et chacune ont été entendus et ont pesé d'une façon ou d'une autre sur la décision qui s'en ressent. Je crois que c'est une expérience forte pour chacun et chacune, moi y compris!

Derrière la question des femmes il y a celle de la place des laïcs…

Bien sûr ! Lors de la phase diocésaine du synode sur la synodalité, dans le diocèse d'Alger, le souhait des chrétiens natifs du pays à participer à la vie de l'Eglise a été fortement exprimé. Ils considèrent à juste titre l'Eglise comme leur Eglise car algérienne. Pourtant, ils se sentent marginalisés au profit de permanents que nous sommes, essentiellement religieux et étrangers, qui depuis l'indépendance du pays constituent l'essentiel des forces vives de l'Eglise. De fait, ils étaient quasiment absents des instances de décision. Nous avons entendu cet appel et en avons tenu fortement compte dans la composition des differents conseils épiscopal, économique et pastoral. Au conseil épiscopal, il y a trois prêtres, une religieuse, une focolarine et 4 laïcs algériens dont 2 femmes. Cela change totalement l'atmosphère. Là encore, nous sortons d'un entre-soi. Ce n'est pas toujours facile et rien n'est gagné, mais nos codes, nos évidences, sont à remiser au placard. Il nous faut apprendre à nous comprendre et à mesurer l'abîme d'incompréhension qui parfois nous sépare dont nous n'avions pas conscience car il n'avait pas de lieu d'expression. Notre Église doit devenir beaucoup moins cléricale, c'est un enjeu pour l'Eglise universelle à tous les niveaux et en tous lieux. Cet enjeu n'est pas dépourvu d'une revendication de pouvoir, avec tout ce que cela peut avoir de désagréable. Mais reprocher à l'autre de vouloir prendre un pouvoir signifie souvent l'exercer soi-même sans forcément en avoir conscience. C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup de mal à entendre écarter les revendications de femmes dans l'Eglise par un: “pourquoi veulent-elles le pouvoir?”

Dans un certain nombre de sociétés, le fonctionnement de l’Église se trouve en tension sur ces questions avec l’idéal démocratique !

Le principe d'organisation hiérarchique de l'Eglise est d'inspiration monarchique...étant sauve la succession héréditaire! C'est l'organisation humaine qui est depuis presque l'origine la garante de l'unité, et elle a plutôt fait ses preuves. En tous les cas, nous sommes cela. Cela n'exclut pas en son sein des fonctionnements et des instances plus démocratiques à l'instar des monarchies modernes. Nos frères et soeurs des Églises protestantes ont viscéralement cette culture démocratique, c'est-à-dire synodale, et nous aurions sans doute beaucoup à apprendre d'eux dans ce grand mouvement de synodalité à la mode catholique initié par le Saint Père. La dynamique synodale ne va pas s'arrêter, elle va s'étendre et se répandre à tous les niveaux de l'Eglise sans pour autant remettre en cause sa structure sacramentelle. Tout retour en arrière apparaitra vite complètement anachronique parce que l'Eglise est l'affaire de tous les baptisés. Ma conviction profonde est que la responsabilité dans l'Eglise, dont les questions de pouvoir sont une dénaturation, augmente en même temps qu'elle se partage. Partager la responsabilité c'est l'augmenter et notre Eglise souffre d'un grand déficit de prise de responsabilité.

Que pensez-vous du diaconat féminin?

A titre personnel, je l'appelle de mes voeux! Il me semble impossible de priver les fidèles, et donc moi aussi, de la réception féminine de la Parole de Dieu. Aucun des arguments avancés ne m'a jamais convaincu. Alors oui, j'aimerais que cette question du diaconat féminin avance ou qu'à tout le moins un pas de plus soit fait dans le sens de l'autorisation des femmes, et plus généralement des laïcs formés, à commenter la parole de Dieu dans le cadre de la célébration dominicale. A la différence du ministère presbytéral, le diaconat féminin trouve des racines dans la tradition de l'Eglise et je peine à voir les objections qui peuvent lui être opposées, sauf à réserver le choeur, c'est-à-dire l'exercice du sacré, au masculin. Sur cette question des ministères, comme sur celle de la gouvernance, l'horizon se dévoile et s'élargit en marchant. Ce qui semblait impensable hier peut si facilement devenir une évidence demain. Une présence uniquement masculine dans le choeur, les grandes processions d'entrée exclusivement masculines nous semblent aujourd'hui aller de soi. En sera-t-il toujours ainsi ou cela nous apparaitra-t-il un jour trop anachronique? Le seul fait de se poser la question opère déjà un changement du regard...

Le problème ne vient-il pas du fait que l’on considère souvent les vocations féminines non pas en soi, mais par rapport aux vocations masculines?

En effet, la vocation féminine dans l'Eglise est traditionnellement pensée en terme de complémentarité. Ce n'est plus suffisant, il faut aussi la penser en terme d'altérité. La vocation féminine vaut par elle-même. Cette dimension d'altérité est à présent très présente dans la vie conjugale. Les tâches sont partagées, les deux parents peuvent travailler, s'occuper des enfants... Chacun les accomplit dans sa différence de sexe, de caractère... Ce sont les mêmes tâches effectuées différemment. C'est vrai pour tous les domaines de la société. Comment penser qu'il ne puisse pas y avoir un écho de cette évolution sociétale au sein de l'Eglise dans la façon dont sont exercés les charismes et les ministères, dans le respect de la tradition qui n'est pas un corps mort mais un corps vivant, à la fois immobile et toujours en mouvement.

Cette question de l'altérité renvoie à celle de la fraternité. En effet, la fraternité à la fois requiert et rend possible l'altérité. Ce n'est pas tout à fait le cas de la paternité spirituelle. Je crois à la paternité spirituelle, en tant que frère dominicain en formation j'en ai fait l'expérience. Mais cette paternité spirituelle, je l'ai reçue d'un frère, d'un alter-ego autrement plus avancé que moi dans la vie religieuse, et aussi dans la sainteté. S'il n'était pas décédé avant, j'aurais pu être son prieur provincial. J'ai du mal avec la paternité spirituelle institutionnalisée telle que nous la vivons dans l'Eglise. Les rôles ne s'inversent jamais à l'instar de la paternité dans la vraie vie où les relations ne cessent d'évoluer entre des parents et des enfants sur l'ensemble d'une vie. Un jour, les enfants prennent soin des parents. Il en va différemment du patriarche qui conserve son autorité jusqu'à la mort. Et dans ce sens, la paternité spirituelle institutionnalisée me semble davantage un modèle patriarcal que paternel. La fraternité, comme dans une vraie fratrie, rend possible toutes les formes de relations. Une grande sœur pourra avoir un temps un rôle maternel vis-à-vis de son petit frère. Il en restera toujours quelque chose, mais chacun vivra l'altérité fondamentale qu'ils ont reçue du fait d'être l'une et l'autre enfants de mêmes parents. La vie se chargera de faire évoluer leur lien, et peut-être un moment de l'inverser.

Je crois profondément que notre Eglise a davantage à se penser comme une communauté de frères et de sœurs. C'est le témoignage le plus haut qu'elle puisse donner au monde. Davantage qu'une lutte de pouvoir, le rééquilibrage nécessaire entre clercs et laïcs, entre hommes et femmes est un enjeu d'altérité et de fraternité. Si j'aime être appelé frère plutôt que père ou monseigneur, ce n'est pas par fausse modestie ou coquetterie, c'est précisément en raison de cet enjeu d'altérité qui ne relève pas d'un choix mais d'une évidence: j'ai besoin des frères et des soeurs de mon diocèse, comme j'avais besoin de mes frères dominicains pour être ce que je suis pour eux.

Jean-Paul VESCO

Archevêque d’Alger


Réflexion parue dans le journal du Vatican : « l’Osservatore Romano »

mardi 5 mars 2024

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 2923 : "Nous voici le moins nombreux de tous les peuples." ( Daniel 3/37)

 En méditant la 1° lecture de ce mardi 5 mars, tirée du prophète Daniel au chapitre 3ème, j'ai l'impression d'y voir décrite la situation de notre Eglise du 21° siècle en France : "Tu as dit que tu rendrais leur descendance aussi nombreuse que les astres du ciel, que le sable au rivage des mers.  Or nous voici, ô Maître, le moins nombreux de tous les peuples..."  Eh oui, jadis, dans notre enfance, pour les plus anciens, nous avons connu des églises pleines ; l'Eglise jouait un rôle central au coeur de la société, du moins le croyions-nous !  Mais, pour différentes raisons, tout cela s'est écroulé. Ce qui fait qu'aujourd'hui, nombre de baptisés se sentent un peu perdus, incompris et isolés.  Témoin cette inscription de l'IVG dans la Constitution, alors que le 29 février, les évêques de France ont déclaré ceci : "L'avortement (...) demeure une atteinte à la vie en son commencement."  Mais qui écoute encore la parole de l'Eglise et des évêques dans notre pays ?

Nous voici donc, si vous avez relu ce passage du Livre d'Isaïe, jetés dans la grande fournaise ardente de la société, comme jadis ces 3 jeunes qui avaient refusé d'adorer la statue en or du roi de Babylone, Nabuchodonosor.  Mais alors, que s'est-il passé pour eux ?  Ont-ils douté ?  Dieu les a-t-il oubliés ?  Le feu les a-t-il dévorés ?  C'est là que l'exemple est intéressant !  Que se passe-t-il en effet ?  Ananias, Azarias et Misaël se promènent au milieu du feu comme si, dans la fournaise, "soufflait comme un vent de rosée." (Dn 3/50)  Ils sont accompagnés par un ange, qui "ressemble à un être divin".  (Dn 3/92)  Et ils prient Dieu et lui rendent grâce !

Qu'est-ce que cela signifie, sinon qu'être enveloppé par les flammes et être sain et sauf, cela est possible avec l'aide du Seigneur.  Autrement, dit, même si nous vivons dans un contexte social et culturel assez différent de la dynamique évangélique, nous pouvons rester sains et saufs grâce à notre enracinement en Jésus et en ce même Evangile.  C'est cela, la différence chrétienne : éviter d'être brûlés dans notre cerveau, dans notre coeur, dans notre conception de l'existence, dans tout ce qui nous remplit d'espérance.  Cela n'est possible que si nous nous laissons prendre la main par le Seigneur, par les anges qu'il nous envoie. L'Evangile nous donne d'ailleurs les antidotes les plus radicaux pour nous guérir de notre peur.

Oui, nous sommes bien petits et bien faibles, en tant que croyants, parmi nos concitoyens, et souvent même au sein de nos familles. Mais Dieu ne nous abandonne pas.  N'y a-t-il pas eu de nombreuses périodes de l'histoire où le peuple de Dieu en Israël s'est trouvé réduit à "un petit reste" (Michée 2/12) ?  L'alternative qui nous est proposée : rien d'autre que de se présenter à Dieu le coeur brisé et l'esprit humilié, ainsi que nous le faisons en ce temps de carême.

Et cela, le coeur ouvert à l'avenir, persuadés que la porte de notre société, comme celle de nos coeurs, n'est pas fermée, même si le climat semble indifférent ou hostile.  Car Dieu est toujours fidèle, et il nous faut être assez courageux et suffisamment croyants pour rêver d'un monde meilleur, et continuer d'oeuvrer, humblement, pour le faire advenir.  

Même si nous sommes peu nombreux, n'oublions quand même pas que Dieu est avec nous !  "Ceux qui mettent leur confiance en toi ne seront pas déçus !"  (Dn 3/40)