EVÊQUES, SORTEZ LE LOUP FRONTISTE DE LA BERGERIE CATHOLIQUE !
Paru dans "Le Monde" 29/4/2017
Paru dans "Le Monde" 29/4/2017
Les
évêques doivent sortir de leur ambivalence face au FN et dire que les
valeurs portées par Marine Le Pen s'opposent au message de fraternité
des Evangiles, soutient le journaliste Jean-François Bouthors
Les
évêques de France vont-ils être les Pilate paresseux et désillusionnés
du second tour de l'élection présidentielle ? Le communiqué de la
Conférence épiscopale publié lundi 24 avril dans le quotidien La Croix,
qui se contente d'un vague appel au discernement sans appeler un chat un
chat, indique que l'Eglise de France est sur la voie d'ajouter au
désastre moral qu'a constitué sa manière de faire face à la pédophilie
dans ses rangs l'ignominie de ne pas appeler les catholiques à rejeter
catégoriquement le Front national. Comment pourraient-ils seulement
laisser croire qu'il serait possible de se réfugier dans l'abstention ou
le vote nul ou blanc qui sont une manière de dire que Marine Le Pen et
Emmanuel Macron ce serait blanc bonnet et bonnet blanc.
Certes, d'ordinaire, il ne revient pas à l'Eglise de donner des consignes de vote. Nous ne sommes pas, Dieu merci, dans une république théocratique. Mais les circonstances présentes ne sont pas ordinaires. Il en va de valeurs éthiques fondamentales, dans une campagne où il est déjà visible que le Front national est déterminé à tous les maquillages, à tous les amalgames, à toutes les contrevérités, puisque cela a si bien réussi à Donald Trump. Quoi que l'on pense d'Emmanuel Macron et de son programme, ce que propose le Front national est insoutenable, même si Marine Le Pen se drape aujourd'hui dans un gaullisme de circonstance – alors que le clan Le Pen a toujours combattu de Gaulle et ses successeurs – et dans la posture proprement stupéfiante d'une Européenne -convaincue. Tout sera bon pour elle pour semer la confusion dont elle fait ensuite son miel. Vous ne pouvez pas, Messeigneurs les évêques, vous laver les mains de la banalisation d'un projet qui piétine toutes les valeurs évangéliques, alors même que le pape François ne cesse de rappeler ces valeurs et son inquiétude quant à la montée de l'extrême droite et de la -xénophobie en Europe.
On voit bien pourquoi vous hésitez à vous engager : vous n'êtes pas d'accord sur l'attitude à tenir, et vous préférez le consensus mou et le flou à la vérité. Vous pensez qu'il vaut mieux préserver l'unité de votre cénacle. Vous êtes prêts à sacrifier la France sur l'autel d'une unité de façade. Que ceux qui en ont le courage sortent de l'ambiguïté ! Que les masques tombent ! L'unité répétée comme un mantra est un mensonge. Ayez la force de ne pas être les complices tacites d'une catastrophe politique. Soyez les porteurs d'une parole droite et non les compagnons de route d'une parole perverse.
parler clair, haut et fort
Ne croyez pas que de toute façon Marine Le Pen sera battue. Les exemples américain et britannique – la victoire de Donald Trump et celle du Brexit – nous ont montré ce qu'il en est de ce genre de conviction. La réalité, c'est que le mensonge systématique et organisé est terriblement efficace, s'il n'est pas aussi systématiquement combattu et dénoncé. Or vous ne le faites pas ou si peu. Et si elle est battue, ne croyez pas que tout ira pour le mieux. Tant s'en faut. Si sa défaite n'est pas totale, le venin de la propagande frontiste continuera à pervertir la société française. Il n'est pas supportable de laisser une partie des catholiques s'égarer de ce côté-là.
Vous portez déjà une vraie responsabilité quant à la confusion des esprits qui règne parmi les catholiques. Parce que vous n'avez pas pris la mesure de l'instrumentalisation du débat sur le mariage pour tous par la frange réactionnaire du catholicisme français, et que vous avez laissé s'installer un flou sur des questions essentielles.
Si vous hésitez, Messeigneurs, à vous engager clairement, c'est, il faut le dire, parce que le loup est déjà dans la bergerie, et que vous craignez de l'affronter, pour l'en faire sortir. Il est temps de vous reprendre et de parler clair, haut, et fort, pour dire que tout ce qui peut d'une manière ou d'une autre conforter Marine Le Pen et affaiblir le camp des partisans d'une France démocratique, humaniste et capable de jouer un rôle décisif dans le renouvellement du projet européen n'est pas acceptable. Pour l'amour du père Hamel, assassiné à Saint-Etienne-du-Rouvray, honorez sa mémoire en osant prendre le risque d'une parole courageuse, vraie.
Si vous ne le faites pas, vous verrez s'accomplir cette parole de l'évangile : " Si le sel perd sa saveur, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien, sinon à être jeté et piétiné par les hommes. "
Jean-François Bouthors
© Le Monde
Certes, d'ordinaire, il ne revient pas à l'Eglise de donner des consignes de vote. Nous ne sommes pas, Dieu merci, dans une république théocratique. Mais les circonstances présentes ne sont pas ordinaires. Il en va de valeurs éthiques fondamentales, dans une campagne où il est déjà visible que le Front national est déterminé à tous les maquillages, à tous les amalgames, à toutes les contrevérités, puisque cela a si bien réussi à Donald Trump. Quoi que l'on pense d'Emmanuel Macron et de son programme, ce que propose le Front national est insoutenable, même si Marine Le Pen se drape aujourd'hui dans un gaullisme de circonstance – alors que le clan Le Pen a toujours combattu de Gaulle et ses successeurs – et dans la posture proprement stupéfiante d'une Européenne -convaincue. Tout sera bon pour elle pour semer la confusion dont elle fait ensuite son miel. Vous ne pouvez pas, Messeigneurs les évêques, vous laver les mains de la banalisation d'un projet qui piétine toutes les valeurs évangéliques, alors même que le pape François ne cesse de rappeler ces valeurs et son inquiétude quant à la montée de l'extrême droite et de la -xénophobie en Europe.
On voit bien pourquoi vous hésitez à vous engager : vous n'êtes pas d'accord sur l'attitude à tenir, et vous préférez le consensus mou et le flou à la vérité. Vous pensez qu'il vaut mieux préserver l'unité de votre cénacle. Vous êtes prêts à sacrifier la France sur l'autel d'une unité de façade. Que ceux qui en ont le courage sortent de l'ambiguïté ! Que les masques tombent ! L'unité répétée comme un mantra est un mensonge. Ayez la force de ne pas être les complices tacites d'une catastrophe politique. Soyez les porteurs d'une parole droite et non les compagnons de route d'une parole perverse.
parler clair, haut et fort
Ne croyez pas que de toute façon Marine Le Pen sera battue. Les exemples américain et britannique – la victoire de Donald Trump et celle du Brexit – nous ont montré ce qu'il en est de ce genre de conviction. La réalité, c'est que le mensonge systématique et organisé est terriblement efficace, s'il n'est pas aussi systématiquement combattu et dénoncé. Or vous ne le faites pas ou si peu. Et si elle est battue, ne croyez pas que tout ira pour le mieux. Tant s'en faut. Si sa défaite n'est pas totale, le venin de la propagande frontiste continuera à pervertir la société française. Il n'est pas supportable de laisser une partie des catholiques s'égarer de ce côté-là.
Vous portez déjà une vraie responsabilité quant à la confusion des esprits qui règne parmi les catholiques. Parce que vous n'avez pas pris la mesure de l'instrumentalisation du débat sur le mariage pour tous par la frange réactionnaire du catholicisme français, et que vous avez laissé s'installer un flou sur des questions essentielles.
Si vous hésitez, Messeigneurs, à vous engager clairement, c'est, il faut le dire, parce que le loup est déjà dans la bergerie, et que vous craignez de l'affronter, pour l'en faire sortir. Il est temps de vous reprendre et de parler clair, haut, et fort, pour dire que tout ce qui peut d'une manière ou d'une autre conforter Marine Le Pen et affaiblir le camp des partisans d'une France démocratique, humaniste et capable de jouer un rôle décisif dans le renouvellement du projet européen n'est pas acceptable. Pour l'amour du père Hamel, assassiné à Saint-Etienne-du-Rouvray, honorez sa mémoire en osant prendre le risque d'une parole courageuse, vraie.
Si vous ne le faites pas, vous verrez s'accomplir cette parole de l'évangile : " Si le sel perd sa saveur, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien, sinon à être jeté et piétiné par les hommes. "
Jean-François Bouthors
© Le Monde
·
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire