mercredi 25 juin 2025

Le Blog de l'Arche de Noé 85, n° 3089 : "Ne vous faites pas appeler "Pères" !

 "Ouest-France", dans son édition de Vendée de ce mercredi 25 juin, publie en page 8 une interview des trois prêtres qui seront ordonnés à Luçon dimanche prochain 29 juin. L'un d'entre eux, Quentin, souligne ceci : "On devra être des Pères."  Ce qui amène la journaliste, Claire Haubry, à faire la mise au point suivante : "(Pères), une affirmation encombrante pour certains prêtres, nécessaire pour d'autres."  Ce qui révèle l'ambiguïté de la question !

Les réactions n'ont pas tardé ! Voici par exemple celle  de Gilles :

"Trois nouveaux prêtres vont être ordonnés dimanche prochain, en la cathédrale de Luçon. C'est une bonne nouvelle, dans un temps où les vocations se raréfient. Il faut s'en réjouir. Je suis cependant surpris par cette expression dans l'interview de l'un d'entre eux: "On devra être des Pères, sans paternalisme".
Je ne suis certainement pas le seul, puisque "Ouest France" écrit à ce propos "une appellation encombrante pour certains prêtres, nécessaire pour d'autres." On pourrait ajouter le même commentaire pour les laïcs, en particulier celles et ceux engagés dans les mouvements et services.
J'aurais pour ma part préféré lire: "On devra être des frères". Ce qui me paraît plus proche de l'Evangile et des enseignements du pape François. Et probablement de Léon XIV si l'on regarde son apostolat pendant sa longue mission au Pérou."

Je vous propose donc une petite réflexion autour de cette notion de paternité. 

"Père !"
Mais d'où vient donc cette coutume étrange, qui se développe de plus en plus, d'appeler les
prêtres "Pères" ? Et cela, depuis les temps les plus antiques ; n'a-t-on pas parlé très tôt des
"Pères de l'Eglise" ? Bien sûr, on peut comprendre le sens spirituel du mot "Père" : celui qui
engendre dans la foi, celui dont nous sommes des fils spirituels comme on dit. Mais
l'objection est puissante, et tous les prêtres l'ont entendue : "N'appelez personne sur la terre
votre "Père" ; car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux." Dixit Jésus lui-même,
en Matthieu 23/9.
 
Question : pourquoi, depuis près de 2000 ans, l'Eglise n'a-t-elle pas tenu compte de cet appel
évangélique de Jésus ? Les conséquences, nous en prenons conscience plus que jamais en ces
temps difficiles ! En effet, la tentation a été forte, pour nous les prêtres, de nous considérer
alors comme au-dessus des autres baptisés ; et même, d'abuser de ce titre plaçant les prêtres
comme en surplomb ; cela les conduisant à se sentir, en tant que "Pères", maîtres des âmes, et
parfois aussi des corps, de leurs "dirigés", des âmes fragiles, de leurs paroissiens... Ce titre de
Père pouvant entraîner un sentiment de pouvoir et d'influence, et faire, de certains soit-disant
Pères, des gourous, cela s'est vu ! Alors que, continue Jésus, "le plus grand parmi vous sera
votre serviteur." (Mt 23/12)
 
La leçon est claire, et qui ne l'entendrait ? Le ministère du prêtre doit apparaître en d'autres
termes que celui d'une paternité, Dieu seul étant Père ; et d'abord, comme un service. Sans
doute, tout ministre sera jugé par Dieu selon qu'il aura ou non cultivé l'humilité et la modestie
attendues de lui : "Quiconque s'élève sera abaissé." (Mt 23/12) Quiconque voudra être au-
dessus, être Père au mauvais sens du mot, quiconque ainsi contribuera à développer le cléricalisme,  sera disqualifié !

FRERE
Mais alors, me direz-vous, comment faut-il vous appeler ?   Personnellement, j'ai l'habitude de répondre : "ma mère m'a appelé Olivier ; vous pouvez m'appeler ainsi !"  Quand j'étais prêtre aux Sables d'Olonne, j'ai gardé le souvenir ému d'un jeune, qui avait plein de difficultés psy. Chaque fois qu'il me voyait, il s'écriait : "Ah ! Frère Olivier, comment ça va ?"  Il était le seul à m'appeler ainsi. Et pourtant, n'est-ce pas le plus beau titre ?  Chaque prêtre, ou évêque, n'est-il pas d'abord "frère" des autres baptisés, même s'il a une charge au sein de ce peuple de Dieu ?  Une charge de serviteur, bien entendu.  Car dans le service du peuple des amis de Jésus, personne n'est au-dessus de quiconque. Mais tous, y compris les évêques, dépendent de la communauté au service de laquelle ils sont confiés.  Comme l'a dit Pascal Wintzer, archevêque de Sens : "il faut casser l'image du prêtre [et de l'évêque !] perçu comme un homme en-dehors et au-dessus de l'humanité."  Et bien sûr envisager une place des femmes à la hauteur de leurs charismes, au sein du Peuple de Dieu.

En résumé, excusez l'expression, mais comme l'écrit le bibliste Claude Tassin, "à la lumière de l'Ecriture, la titulature ecclésiastique mériterait peut-être un coup de torchon périodique !"  En ce moment, la période et les événements sembleraient s'y prêter...

2 citations, parmi bien d'autres, illustrant comment Jésus nous considère tous comme des frères (et pas des Pères,... ni des Monseigneurs !)
"Qui est ma mère, qui sont mes frères ?" Montrant ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes frères ; quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c'est lui mon frère, ma soeur, ma mère." (Matthieu 12/48-50)
-  "Jésus est l'aîné d'une multitude de frères." (Romains 8/29)

 
 

 

 

4 commentaires:

  1. Que j'aime lire ce que je viens de lire !!!! :)
    Depuis des années déjà, je m'interdis de dire "Mon Père" à un prêtre ! Je n'ai qu'un Père notre Père qui est aux cieux ! Et bien sûr mon papa !
    De même, pas de Monseigneur en parlant d'un évêque, pour les mêmes raisons. En effet, Frère ou simplement le prénom serait tellement plus approprié !
    Merci Olivier !

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  2. CHENU Bernard & Colette27 juin 2025 à 01:25

    Bien d'accord avec Marie-France. Comment dire Père à quelqu'un qui est plus jeune que nos enfants, et à peine plus âgé que nos petits-enfants ? Merci Olivier pour ton apport. La notion de frère est tellement plus juste, et le prénom tellement plus approprié.
    Colette travaille avec Quentin dans l'accompagnement des familles en deuil et la célébration des sépultures. Est-ce que tu nous autorise Olivier à ce qu'on imprime ton message pour lui transmettre ?
    Encore merci Olivier pour tes éclairages, et prends soin de toi.
    Bernard & Colette.

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  3. Ah, complètement d’accord, o frère si sage! Vite ce coup de torchon!

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